Poésie

Le temps est 2

Le temps est un fil infini sur lequel il est trop bon de se laisser bercer.

… le nuage qui nous murmure des histoires souriantes, couché sur le dos.

… cette chaude chandelle qui bouge au rythme du pétillement d’un feu.

Le temps est cette journée pluvieuse, ou de maladie, qui nous fait apprécier l’ennui.
Il est ce voilier qui nous fait voyager.

Il est ce breakdance improvisé sans détour, avec un enfant, une soirée de party.
Il est l’étoile qui scintille la réalisation d’une corvée collective.

Le temps est un espace dans lequel il est si bon d’entrer.

Le temps est un vertige qui nous donne envie d’exister.

Le temps n’est pas un biscuit sec sans goût.

Il n’est pas un feu d’artifice qui tombe dans l’oubli.

Il n’est pas un baiser anodin.

Ou une télésérie crève cerveau un soir de semaine.

Il n’est pas non plus la grandeur du veston que je porte.
Ou la vapeur qui fait pression sur mon mur d’actualité.

Il n’est pas une grève en trop.

Ou le minerai inerte pour lequel on doit arrêter de se préoccuper.

Le temps est l’une des choses les plus précieuses avec laquelle l’on doit toutes et tous dialoguer.

Le temps sous contrainte capitaliste est une horloge, tic tac, qui nous observe.

Ce type de temps est une plaie douloureuse causée par l’effet de gravité d’une chaise de bureau.

Il est un ver de terre mal en point qu’on continue de sectionner à l’infini.

Il est cette douce brise qui s’écroule sous la lumière cathodique de mon ordinateur.
Il est ce gros caillou qui fait obstacle au temps lui-même.

Le temps sous contrainte capitaliste est un sentiment d’étouffement imposé par la matraque.

Il est une dette que l’on contracte à la naissance.

Une fleur qu’on oublie.

Il est la chose qui me fait marchandise.

Sans nuance, il est la chose qui m’est tout simplement… volée.

Le temps est 1

Le temps est un turboforage qui mange les villes par la racine.
Le temps est une éructation qui diminue la culture impopulaire.
Le temps est un graffiti qui affûte ses croutes lacrymales.
Le temps est un martyr qui amoncelle son coton sous les glaces polaires.
Le temps est un feu d’artifice qui corrompt les primevères de l’hiver.
Le temps est une situation qui doute du polygone non euclidien.
Le temps est un viaduc qui balaie les explosions de l’intestin.
Le temps est une faillite indigente qui triangule le cabinet ministériel.
Le temps est climatologue libéral qui prêche le déviationnisme siffleur.
Le temps est un macrodactyle qui subjugue les corneilles oblongues.

Le temps sous contrainte capitaliste est une concrétion qui inhume les fractures du larynx.
Le temps sous contrainte capitaliste est un volcan asynchrone avec une capacité de 60 à 600 œufs.
Le temps sous contrainte capitaliste est un faisceau cathodique qui atteste de la mauvaise foi.
Le temps sous contrainte capitaliste est un démagogue qui frissonne d’antidépressifs.
Le temps sous contrainte capitaliste est un patriarche qui fléchit le genou sans objection.
Le temps sous contrainte capitaliste est un incapable qui penche vers le tragique.
Le temps sous contrainte capitaliste est un postiche qui démasque l’arrosoir.
Le temps sous contrainte capitaliste est un esthète sans pesanteur qui hydrate son culte.
Le temps sous contrainte capitaliste est une harde souffreteuse qui saute à cloche-pied.
Le temps sous contrainte capitaliste est une opinion thermorégulée qui s’acharne à avoir de l’allure.

Le temps anesthésie le chocolat sur la ligne fortifiée.
Le temps répand une odeur capiteuse pour un oui, pour un non.
Le temps se rend maître de l’indécence du médiocre souverain.
Le temps marchande son embarras parmi les mauvaises herbes.
Le temps avale la pilule du candide gobe-mouches.
Le temps trompète les glouglous de la brosse à peau.
Le temps flétrit les apatrides sous Alpha de la Croix du Sud.
Le temps abrutit les phénomènes anecdotiques sans accoutumance.
Le temps s’embrase sans mesure l’ordinaire.
Le temps est une poussée de fièvre sans conscience.
Le temps est une amulette qui intercepte la lumière.
Le temps est un panier percé au-dessus des larmes.
Le temps s’égare dans le bouillon des orphelines.
Le temps sacré sacrifie son temps à la sagesse des drames.
Le temps trace des lettres vagabondes sans effleurer la fortune.
Le temps monte des mailles au vent des villes éternelles.
Le temps épluche les raisins des vieillards pendus aux candélabres.
Le temps jaune de chrome jonche les tourbières immorales.
Le temps se conforme à la rigidité des ondes modulées.
Le temps ankylosé romance les décolletés de cocottes en papier.

Avis de recherche d’inspiration

Recueil perpétuel | Encore toi!

Vers un refus global…

Je lui ai dit, en hachant mes paroles que nous devions manger pour le souper : « Trois rossignols ne peuvent me donner le bonheur. » Et le regardant bien en face : « Si je remplis la maison de rires tu sais ces beaux rires près de la route qui conduit à la forêt vas-tu me serrer la main ? » II a dit : « Oui. »

Thérèse Renaud, Les Sables du rêve, 1946

Ces voyages sont aussi dans le nombre l’exceptionnelle occasion d’un réveil.

Des perles incontrôlables suintent hors des murs.

L’inviable s’infiltre partout

Le règne de la peur multiforme est terminé.

Un nouvel espoir collectif naitra.

Nos passions façonnent spontanément, imprévisiblement, nécessairement le futur.

Nous poursuivrons dans la joie notre sauvage besoin de libération.

La poudre de comète

La poudre de comète
Comme une glace aux fraises
Se fonderait-elle sur mon tombeau chaleur?
Toujours est-il que les braises
Des volcans s’éclatent sur un rythme latin
Les lutins qui dansent sur un lit baldaquin
Abusent d’un autre calibre
Une balle heurte les jeux de cartes
Flottent les chats sur un océan de thon
Reprendras-tu un peu de poussière béton?
Silence des melons qui passent dans le salon
Le scorpion se pose des questions
Roi de pique et deux de trèfle
Sont-ils des sauterelles ?
Ou bien des lions qui chantent?
Ignores-tu vraiment où tu es?
Fais-tu semblant de disparaitre
Nuage de brouillard qui frappe le corridor
Remboursement du vol des morts
Vitesse ultra lente
Pente sans gravité
Entendras-tu enfin raisonner?
Les tambours des âmes

Je cherche les papillons

Je cherche les papillons
Ils cherchent la guerre
Je pourchasse les miracles
Ils pourchassent les imprécisions
J’exécute les folies
Ils traquent des vies
J’accumule les rêveries
Ils multiplient les tueries
Je vois ailleurs
Ils n’envoient que des leurres
Ils ne sont que malheurs
Je cours les papillons
Je mange des macarons

Adieu sans préavis

( Printemps 2000 )

Poète du crépuscule
Mes particules
D’amours désassemblées
Perforent les temps derniers
Et coule le vin sur ses seins
 
Je me fais marcheur des douze saints
Il est minuit moins le quart des apôtres
Devenir le prophète de sa mélancolie
Caresser les images de ses fantaisies
Déguiser mes sombres mensonges
 
Fuir devant la suite qui conduit au néant
S’engouffrer lentement
Dans la pièce au soleil levant
Je m’effrite en lambeaux
Déclassés sous le poids des vitraux
 
Devant la lourdeur des bottes
De son armée d’invasion métallique
Je raccroche mon écharpe
Ajuste mon sourire hérétique
 
C’est la fuite poétique, mathématique

Le réveil froid

( Mars 2000)

Chaque nuit absence
Le temps s’allonge
Pour s’étendre
Dans les étoiles
 
Et le soleil des nuits
Ne brille plus dans mon lit
Qui se refroidit
Dans l’hivers triste qui s’emplit
 
J’évoque son nom souvenir
Pour franchir l’aube des soupirs
Et je revois son sourire caché
Revenir me hanter

En même temps

L’idée lui tord l’intérieur. Merveilleuse et impossible.
Un chat, attiré par la fable, s’est usé les griffes en vain.

C’est introspectif comme thème.

Pourtant il lui semble que la lumière ventile encore un espoir sucré. Miroiter que l’omniprésence soit enviable… Il n’est pas certain.

Mes images s’effacent au profit des mots et se faufilent, entraînant l’alphabet dans leur course. Le paysage défile, indémêlable.

Alors il décrirait les rêves éveillés.
Chapeau! Il n’a pas de bottes de sept lieues mais un chapeau oui. Et le coiffer est une invitation au voyage.

Promenade en vis à vis.
Deux regards sur un paysage de reflets.
Dedans, dehors. En même temps.

Dedans
Paysage de fourmis au soleil. Craquante agitation de croque-mitaines en costume d’hiver et de marbrures. Pavés mouvants, lézardes en ascension constante vers la sainte coque, le béton concave d’une arche de Noé qui ne se sauve plus qu’en rêve.

Dehors
Les grues, drapeaux en poupe, se livrent des duels essoufflants tout le temps d’un tour de soleil.

Ici
Dans leur course folle, des tortues enivrées se retrouvent sur le dos, incapables du moindre mouvement. Incapables!

Là-bas
C’est un sillon noir que l’on trace sur la neige. Blessure salée du bitume en hiver.

Encore
Je m’endors sur mon cahier, alors que des murs blancs s’effondrent en gris. Des taches dans les yeux, indélébiles, invisibles pour l’autre coté. Un jour je rêve sans dormir, mais ce n’est pas vrai, ce n’est jamais vrai. Ce n’est pas moi qui meurs, ce sont toujours les autres.

Ailleurs
Le temps de l’œuf. La marche militaire. Tu rêves. Il claque des portes à ta fenêtre. Quatre. Étang de cris au crépuscule du chaloupé. Le rythme se balance au bout d’une corde de grillons.
Sentimentale. Tu souffles une brise de jasmin pour que l’écho du voyage te suive jusque dans les plis d’un autre sommeil. Te survive, la soie de la nuit.

Assez
C’est étourdissant. Tant d’incohérence, j’ai mal au cœur.
Soyons sérieux et comptons. Les flocons par bourrasques, les efforts par pelletées et nos pas dans la forêt. Au bord de l’autoroute, l’horizon bleu des érables sous solutés n’inspire pas confiance. L’attraction est ailleurs, les accidents se succèdent pour le plaisir des voyeurs. Au gré des glissades, le long ruban rouge s’anime ou s’arrête. Il fera bientôt noir sur ses berges blanches, et nous jouerons encore le jeu. 

En allant voir ailleurs si j’y suis

Si les choses sont des éclats
Du savoir de l’univers,
Qu’au moins je sois mes propres fragments,
Indéterminé tout autant que multiple.

Fernando Pessoa

Connue de tous, la pratique consistant à lancer une requête d’informations en tapant son propre nom dans un moteur de recherche mène à une évidence : nous existons en plusieurs lieux. Fruit de nos recherches et grappillages en ligne, ce triptyque artistique est construit à partir des archives de nos trois individualités dissoutes dans le cybermagma.


Facebooking

Fragments d’une homonyme belge par Camille(s) Toffoli


Zapping

Damien(s) Thomas à la chaîne


Egogoogling

@utoportraits de Jean-Philippe(s) Boudreau

Sur le bord du gouffre

Sur le bord du gouffre où son souffle

M’engouffre je souffre

Toiles d’araignées qui me font saigner

Village déserté, hôtel abandonné

Je rêve de grands paysages éblouissants

Je deviens un accélérant électrisant

Lancer toute voile dehors, sur la Côte-d’Or

Dans mes éclats scintillants de conquistadors

Je cherche les cœurs de theclas nématiques

Qui hantent moqueurs, mon sombre manoir élastique

Pour me réjouir des encombres des esprits diaboliques

Pour fuir les Algonquins, qui m’ensorcellent coquins

Je m’établis alors taquin, dans un lit à baldaquin

Ayant bu trop de breuvage du malin

Ma parole se perd en vrillage manichéen

Que maintenant m’habite cette lointaine symphonie

Faite de reconduite de mes rêveries d’étourdi

Parcourez-vous le village pour vaincre le décalage?

Suivrez-vous mon sillage ou plutôt son mirage?

92 premières neiges

Illustration : Évi Jane Kay Molloy

Le soleil de nuit caressait mes joues creuses.

À la lueur du diamant doré, je me remémorais mes 92 premières neiges.

Le temps semblait s’écouler de plus en plus rapidement dans mes veines.

Bien enfoncée dans mon fauteuil d’acier, j’observais mon reflet briller dans la lucarne de ma chambre.

Une tignasse terne. Des doigts noueux. Un dos vouté.

À la lisière de mon existence, je ne puis m’empêcher de regarder derrière mon épaule. Et si je pouvais un jour revivre ma vie, que ferais-je autrement ?

Si je pouvais verdoyer à nouveau, je prendrais les choses moins au sérieux.

J’oserais embrasser encore plus fougueusement les fortunes de mer, les faux pas et les folies.

Je m’efforcerais de me sustenter uniquement d’ataraxie et mangerais moins de navets.

Si la vie s’élevait devant moi, je ne laisserais pas le fugace et frêle présent s’échapper.