Maxime Charbonneau

Tic Tac Toc

Le tic du toc
Ses courbes!
Bois-tu la tasse?
Le toc du manque de tac
Mettre en boîte
Analyse
Une ligne
Paralyse devant sa jupe
Retrousse ton sourire
Mais je vous dis que ça va bien!
La fin des moyens
Retraite préventive
Capitulation?
Jamais
Je me perds
Elle s’égare
Saoule?
Bien sur
Un chat
Mais je suis scorpion
Je t’écrase
Fuite devant
Merde je suis saoul
Encore
Le gars est beau
Je cogne
Ben non embrasse
Celà pourrait faire un froid?
Je sais
Méchant conseil d’administration
Si elle savait
Convention morale.
Je couche ma main
Attention
J’attends mes cartes
La chance tournera
Comme ma tête 
En Tic Tac Toc

Sur le bord du gouffre

Sur le bord du gouffre où son souffle

M’engouffre je souffre

Toiles d’araignées qui me font saigner

Village déserté, hôtel abandonné

Je rêve de grands paysages éblouissants

Je deviens un accélérant électrisant

Lancer toute voile dehors, sur la Côte-d’Or

Dans mes éclats scintillants de conquistadors

Je cherche les cœurs de theclas nématiques

Qui hantent moqueurs, mon sombre manoir élastique

Pour me réjouir des encombres des esprits diaboliques

Pour fuir les Algonquins, qui m’ensorcellent coquins

Je m’établis alors taquin, dans un lit à baldaquin

Ayant bu trop de breuvage du malin

Ma parole se perd en vrillage manichéen

Que maintenant m’habite cette lointaine symphonie

Faite de reconduite de mes rêveries d’étourdi

Parcourez-vous le village pour vaincre le décalage?

Suivrez-vous mon sillage ou plutôt son mirage?

Lendemain de veille

Le couloir est vide
Les couleurs s’évaporent
Les désirs s’effacent
Le silence s’invite
 
Il ne reste que quelques secondes
Son visage disparait
J’avorte mes songes
Crois mes mensonges
 
La foule s’évanouit
La ville s’endort
Et je reste seul
Ici dans l’effroi
 
Perdu au creux
Des vallées tourmenteuses
Je sens que je perds pied
Je tombe de haut
 
J’avorte dans ma tête en bulle
J’avorte les possibles
J’avorte les mondes ouverts
J’avorte ma raison d’être
 
Silence froid
Des solitudes 
Je m’endors
Une fois encore sans vous

Fidèle compagne

Elle arriva dans un espace qu’elle ne connaissait pas. La douleur était enfin partie. Le poids du steak ne l’affectait plus. Elle se sentait soudain comme jadis quand la fatigue ne l’atteignait pas. Elle s’était trouvée sur le chemin d’un vieil abbé qui lui avait offert de l’eau d’une pureté qu’elle n’avait jamais encore osé imaginer. L’abbé était lui aussi enfin libre, il lui proposa de poursuivre le chemin avec elle. Il marchait vers le blanc immense et infini des espaces-temps lunaires. Elle cherchait son maître, mais il semblait que ce dernier avait dû rester derrière. Pourtant, elle savait que dans bien des années, il serait là lui aussi et que, comme avant, il y aurait encore cette grande table remplie de grands enfants qu’elle aimait tant. C’était la première fois qu’elle entreprenait un voyage en solitaire et la présence de l’abbé l’avait rassuré. Soudain, ils croisèrent un groupe de réfugiés, c’étaient des chrétiens qui dans la plénitude de l’espoir avaient entrepris eux aussi le grand voyage. Ils fuyaient les ténèbres. La lumière devint de plus en plus grandiose, d’une pureté sans faille. Les voix des grands enfants se faisaient de plus en plus lointaines et elle s’inquiéta une dernière fois pour eux. L’abbé lui fit signe, au royaume des justes elle entra.

D’un ghetto à l’autre

« My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność »

(« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d’ici. Nous voulons sauver la dignité humaine »).

Izrael Chaim Wilner – Ghetto de Varsovie 1943 ( poète juif)


« Mais nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d’amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir. »

Mahmoud Darwich ( poète palestinien)

Contes et légendes automatiques

J’écris sur le papier de Damas, des vers, dans l’alcool.

Contes et légendes automatiques.

Sur la route du Nord, on trouve toujours des âmes perdues. Les soirs sans lune, je m’évade dans le creux des vallées. Je redeviens marchand solitaire et les astres s’alignent alors, corsaires. Je franchis la passe de nuit avec ma solitude comme une vieille habitude.

Ce monde n’était pas le mien. Je suis d’ici et pourtant d’ailleurs. Je me perds en certitudes qui se faneront aux crépuscules des rivières canalisées.

Je n’étais qu’un étranger dans mes propres terres. Les habitants ne pouvaient comprendre les chemins que j’avais parcourus, pendant que lentement ils labouraient la terre de leur ennui. Comment pourrais-je libérer les âmes perdues du cimetière des larves chaudes de la chute d’un empire?

Mon âme avait dévoré la plus pure des particules élémentaires. Je cherchais l’église, au moment où les étoiles s’effacent du sol. Quand tous mes possibles se seront évanouis dans des espérances vaines, je descendrai au puits du lac des abîmes en quête d’absolu. Mon âme sera en lambeau et le sang qui coulera sur mon front servira d’encre pour les noirs parchemins. Je commettrai alors le pire des péchés : démasquer l’invisible.

Je sentais le froid du vent des éternités sur mes épaules. L’absence de chaleur était horrible. L’angoisse, la peur de briser les os de ma vie déjà égratignée, celle qui vous prend avant de commettre la tristesse, cette angoisse précise, quand l’épiphanie se révèle. À la vue des esprits des chasseurs Algonquins, je compris qu’il était temps de fuir, car ils soufflaient le bruit des loups. Ils dansaient devant moi comme des lucioles attirées par l’odeur des sacrifices commis dans l’aube démystifiée.

Je quittai la vallée, un jour je serai peut-être ici encore chez moi. Le soleil engouffra l’ambiance, et la vallée s’estompa.

Le temps des absences

Le temps des baisers perdus
Le temps des printemps qui passent
Le temps des errances entrelacées de silence
Comme la neige qui fond au soleil des départs
De la passagère des aiguilles typographiques
Les sourires des temps passés s’évanouissent
Le temps de la solitude passagère du doute
Le temps de chercher à comprendre
Le temps des contemplations 
Des fontaines divinatoires
Le temps des étreintes rêvées
Le temps des années qui passent
Sur l’horloge des amours
Le temps des retours
Le temps de s’aimer éternellement 

7841

« Avec la force comme alliée, d’autres temps, d’autres lieux tu verras ! » — Yoda

Le grand voyage vers ailleurs qu’il avait entrepris le conduirait-il au désert sans fin? L’homme solitaire marchait le long des lieux qui s’entrelaçaient dans son existence. Absorbé dans les images qui entremêlaient les réalités diffuses. Les signes des passages temporels occupaient toute sa réflexion. Étrangement, ils étaient gravés sur les jardins de son observation. Une école primaire ou les enfants couraient le long des boisés. Jeu enfantin, autobus jaune, neige, hockey et autres souvenirs.

Il eut jadis un mouvement d’euphorie dans sa vie mélangée. Un grand salon ou les festins ne semblaient pas vouloir s’arrêter. Il était déjà vieux et il savait d’avance où les parcours de ses amis carnavalesques se dirigeaient. Il voyait, il savait et pourtant l’impitoyable et affreuse marque s’affichait toujours. Le compte à rebours, l’ennemi était déjà là. Assis sur son divan en face de lui, il le regardait. C’était un si vieil ennemi que l’homme avait pris l’habitude de ne plus l’écouter. Parfois, dans sa réflexion silencieuse avec ce dernier, ses amis s’approchaient et lui demandaient si tout allait bien. Il n’avait qu’un mouvement réflexe, il se devait d’être rassurant, ils ne pourraient comprendre les mondes que sa vision ouvrait devant lui.

Le mur vert lime affichait une foire, la foule anglaise s’approchait, les canards tournaient le long de l’étang artificiel. Un enfant tentait de trouver le meilleur canard. Et puis le son des manèges qui s’activaient. Elle n’avait aucun sens dans sa vie. Et pourtant elle était là. S’approcha, lui fit une étreinte et soudain, elle disparut. Le salon s’était rempli durant son moment d’absence. La foule s’activait, la musique, le son des amusements, les alcools et les jeux. La grande roue illuminée tournait dans sa tête. La musique, les clowns et les temps s’entrelaçaient.

Il croisait son regard, un déguisement un peu trop éméché. Quelques champignons le rendaient confus. Quelques années plus tard, la vitesse de sa voiture frapperait un arbre dans une courbe, seul et isolé, la mort ferait son œuvre, mais pour l’instant il était heureux et philosophait sur le sens des choses, bien installé sur la table adjacente au baril de bière.

Il entra dans les toilettes, le passage interdit vers l’au-delà s’ouvrit, la lumière diffuse que lui offrit le puits de lumière. Tard dans la nuit, le quatre-roues roulait bien vite dans le dépotoir, les signes s’affichent sur chaque sac de vidanges. Et puis, les arbres, la forêt et dans son milieu les astres l’éblouissent. Il vit une usine délabrée, finalement entouré par des loups. Un à un, dans la lumière, ils venaient lui porter révérence. Il comprenait que non loin de lui, observant en silence, l’ennemi ne pouvait rien, l’heure n’était pas la bonne.

La musique remplit de nouveau son âme. La bouteille de vin était vide. Il sortirait bientôt de son antre. Il devait redevenir l’hôte de sa soirée, celui que l’on s’attendait de trouver, celui-là qui trouvait toujours le moyen de changer les règles du jeu. Il croisa son regard, elle cherchait ce qu’elle pensait avoir trouvé. L’homme ne pouvait pas lui dire que dans quelques années, épuisée d’essayer de remettre en marche un amour perdu depuis des lustres, elle irait se jeter dans l’épuisement de tentatives vaines pour retrouver, un seul instant, le moment qu’elle vivait ce soir.

Soudain, une voiture folle traversa le salon. Il se reconnaît. Nous sommes quelque part, plus tard, bien plus tard, pourchassés par quelques voitures non identifiées. Il traverse une banlieue sans nom, chaque voiture porte un numéro d’un jaune différent. Il roule de plus en plus vite. Les paysages se transforment et les maisons de banlieue se dissolvent. Sa voiture freine. Il abat d’un coup de feu bien précis ses ennemis et s’affale dans le divan, personne ne semble avoir vu le danger.

L’homme se leva, et regarda son corps en mouvement sur la piste de danse. La musique était beaucoup trop forte. Comme d’habitude, les moments d’absences provoquaient des doublons dans les lignes du temps. Une étrange femme fantomatique, habillée en uniforme d’ouvrière lui donna une bière et s’évapora au son du piano.

Quand il sortit de nouveau de sa torpeur, la pièce était vide, les serpentins sur le sol, l’odeur de bière lui donna envie de quitter les lieux. Il sortit, passa devant l’église, il marchait vers le parc. Il termina sa deuxième bouteille de vin sur les tables de pique-nique. Il vit soudain, un vieil homme, canne en main, s’avancer vers lui, le son de sa voix inaudible. Derrière lui, l’homme, l’adversaire, l’ennemi. Le vieil homme s’affala. Le cœur avait lâché.

Moment publicitaire

Comme un doux son d’apocalypse, l’écho des pas gravait l’espace de la pièce. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire? Il semble qu’un léger malentendu affecte les syllabes lorsque vous tentez de me faire comprendre l’étendue des valeurs universelles qui se multiplient dans l’ordre logique de votre raisonnement. Il m’apparaît clairement comme impossible de souscrire aux apitoiements de votre être étalés ici. Il n’y a pas de malentendus, il y a des certitudes qui explosent le long de la vitre et votre logique non plus ne pourra pas vraiment résister très longtemps. Il n’y a qu’une chose de certaine : une bouteille de vodka ne se remplit pas. Et puis mon attention fut de nouveau attirée par son regard carnavalesque, sa démarche loufoque, son rire détendu, son ironie sans faille et surtout ses caresses poétiquement poussiéreuses. Bon d’accord, il faut bien l’admettre, nous nous sommes plantés. Fallait-il peut-être prendre la peine de dégriser quelque peu avant de commettre l’irréparable. Je ne vois pas pourquoi vous cherchez encore à fuir, ils sont déjà partout. La pièce est encerclée et dans quelques secondes, que dis-je, dans quelques microsecondes, la porte risque de voler en éclat. Mais nous voulions cela, non? Nous voulions absolument y être pour vivre ce seul et unique moment d’existence qui se cristallise, mais ils n’ont rien compris. Ils ont voulu rendre ce moment télésatellitaire, il voulait que cet instant soit dans l’espace pour leur permettre de vendre de la publicité. Un animateur en costume trois-pièces et une animatrice ancienne « top model » comme vedette d’un téléroman sur le pourquoi du comment. Il leur fallait donc mettre toute la gomme.

Dans le paradoxe de la fin des temps ou de la chute, le moment révolutionnaire est complètement détruit lorsqu’il se déploie dans l’espace. Il devient moment publicitaire. La machine l’absorbe et il devient marchandise de consommation, comme un tube de dentifrice, une marque de voiture ou encore un nouveau divan modulaire fabriqué en Chine avec un nom suédois. Ma chérie, nous allons dans quelques secondes devenir la première page d’un journal qui offrira la bande-annonce sous notre photo à la première compagnie marchande de passage. Ceux-ci sans aucune gêne s’annonceront avec nous. En fait, cela n’aura vraiment aucune importance. Voilà donc aussi toute la différence entre vous et moi. Je suis ici parce que je crois en vous et non parce que je pense que la situation changera grâce à un appel grandiose à la résistance du prolétariat. Pour moi, cela n’a aucune espèce d’intérêt et seule l’expérience pour l’expérience m’importe. Nous sommes la suite infinie du processus publicitaire. Nous sommes une marque de commerce, nous sommes une statistique de « focus group ». Que pense la génération postrévolutionnaire de son idéal tourmenté? L’animateur se retourne avec son sourire en dents refaites par un dentiste blasé qui trompe sa femme avec une étudiante, danseuse dans ses temps libres. Et il ose nous accuser du haut de sa chaire de prêtre « New Age ». Il faudra faire une étude statistique, convoquer le centre communautaire local, accorder à une intervenante bardée d’une maîtrise en anthropologie et une jolie paire de seins refaits par son amoureux qui l’aimait vraiment beaucoup, mais qui trouvait ses seins désespérément trop petits, mais je divague encore. Il faut me le rappeler, ma chère, je divague toujours un peu quand je parle trop. Elle trouvait, en effet, que je parlais trop. Il faudra bien lui prouver le contraire sinon je serai bientôt perçu comme tous les autres.

Elle regarda le banquier, me fit un sourire inoubliable et lui explosa la cervelle à l’aide de son bâton de baseball. Les otages, je crois, avaient compris qu’ils étaient près de la fin de la partie. Dehors, les sirènes de police s’activèrent. Dieu que je l’aimais cette fille.

Le Passage (Labyrinthe VII)

Et j’ouvris les yeux pour découvrir un espace hors du temps où tournoyaient les ombres violacées de la nuit en disparaissant rapidement à l’horizon. Dans ce lieu, d’un blanc immaculé, il n’y avait plus de murs, plus de salles, plus de palais, plus de temps. Même la cité avait disparu. Mes pupilles s’émerveillaient devant cette absence de contraste. Un faisceau lumineux éclaira mon visage, s’enfonça dans mon esprit et les certitudes des réalités multiples se matérialisèrent devant moi.

Le vent s’emporta, d’abord brouillon, puis de plus en plus fort, jusqu’à balayer la fondation des équations. Hors du temps, je naviguais comme un marin perdu au cœur d’une tempête sans trop savoir où se cachaient les récifs bucoliques.

Et puis rien, juste le vide et une pièce qui se précise. Un ovale, une chaise et des bruits d’enfants qui riaient autour de moi, mais je ne voyais aucune âme. Dans les séjours perdus aux îles souvenirs de jadis, il ne restait que des éclats d’images qui s’affichaient sur les blancheurs des astres qui m’entouraient. Lorsque l’on traverse hors du temps, le sang cesse de couler dans les artères de la vie. J’affrontais le monde vide des blancheurs célestes.

Je repris contact avec la réalité du labyrinthe et j’aperçus un homme se diriger vers moi. Il dégaina son épée. Je le reconnus, c’était le prince. Il portait un grand complet de velours turquoise, son cou cintré d’un solide protecteur métallique comme chacune de ses jambes. Ses armoiries brodées se déployaient sur le devant du complet : deux grands scorpions, l’un noir et l’autre blanc.

Le passage que j’avais franchi avait modifié ma compréhension des mécaniques du labyrinthe. L’espace seconde plus tard, je tenais une épée et le velours turquoise caressait mes bras. Sur mon torse, deux scorpions s’affichaient en armoiries grandioses. J’étais en haut de l’escalier et tout en bas, le bal de l’impératrice battait à pleine mesure.

La salle de bal Labyrinthe VI

Et j’entrai dans la salle de bal, rapidement absorbé par une ambiance en complet décalage avec celle du labyrinthe. De grandes statues de marbre du prince taillées par les plus grands sculpteurs encerclaient le plancher de danse. Tout en haut, sur une mansarde de pierres anciennes, jouait un orchestre vêtu de grands vêtements de soie amples, confectionnés par les meilleurs tailleurs. Il jouait une musique douce qui brisa dans mon cœur la mélancolie accumulée depuis tant d’années d’errance dans les infâmes couloirs de la perte des sens. Cette musique nous fait oublier le temps qui fuit. Même le sablier des temps immortels s’écoule plus lentement. Les lois de la physique terrienne ne s’appliquent plus et les relations atomiques ne suivent plus l’échelle normale de l’évolution. Cette musique n’avait aucun son d’amertume, elle était parfaite. Pour la première fois, je constatai que le temps du labyrinthe n’était pas celui des hommes, mais bien celui de puissances qui ne se dévoilaient habituellement pas aux mortels.  

Derrière eux se trouvait un immense trône et je présumai qu’il s’agissait de celui de l’impératrice. Le trône était vide. Elle ne se trouvait pas là où je l’attendais. Dans un battement d’ailes, une réalité nouvelle s’offrit à mes yeux. Je croyais la salle de bal vide, mais en un espace seconde, elle fut remplie de convives. Toute l’aristocratie du labyrinthe dans sa splendeur, sa grandeur et sa supériorité se trouvait là, devant mon regard troublé par une apparition aussi soudaine.

Un serveur en smoking s’avança lentement vers moi, l’air méprisant. Il sait que je ne suis pas d’ici et il m’offrit ma boisson préférée dans un grand verre de cristal. Je pris doucement une gorgée, un peu comme un enfant incertain des conséquences de son geste. N’ayant pas été assez prudent, ma vision s’embrouilla, la salle de bal devint floue, grise et brumeuse. J’ai la tête qui tourne, je sens que la réalité s’effrite devant mon regard de simple passant ahuri.

NUITS AMÉRICAINES

Nuits américaines
Néons et autoroutes
Miroirs des astres
Camions illuminés
Dans les « drives in » désertés
Croisement de routes
Poste de péage
Sur les dérives de l’existence
Annonce de perte de sens « un-huit-cents »
Désamour et désunion
Cigarettes à profusion
Panneaux fluorescents
Rouler jusqu’à perdre son âme
Rouler dans les plaines
Comme des cowboys du futur
Mourir de soif dans les murmures
Des cigales desséchées
Explosées dans la vitre verte glacée
De la Chrysler au moteur dégommé
Nuits américaines
Joint que l’on fume
Dans un motel sans étoiles
Vapeur d’essence
Moteurs qui tournent en boucle
Se perdre dans le sens
Dans la direction ou mettre les voiles
Se remettre en question
Pour faire diversion
Rouler jusqu’au carrefour de la dérision
Nuits américaines