La salle de bal Labyrinthe VI

Et j’entrai dans la salle de bal, rapidement absorbé par une ambiance en complet décalage avec celle du labyrinthe. De grandes statues de marbre du prince taillées par les plus grands sculpteurs encerclaient le plancher de danse. Tout en haut, sur une mansarde de pierres anciennes, jouait un orchestre vêtu de grands vêtements de soie amples, confectionnés par les meilleurs tailleurs. Il jouait une musique douce qui brisa dans mon cœur la mélancolie accumulée depuis tant d’années d’errance dans les infâmes couloirs de la perte des sens. Cette musique nous fait oublier le temps qui fuit. Même le sablier des temps immortels s’écoule plus lentement. Les lois de la physique terrienne ne s’appliquent plus et les relations atomiques ne suivent plus l’échelle normale de l’évolution. Cette musique n’avait aucun son d’amertume, elle était parfaite. Pour la première fois, je constatai que le temps du labyrinthe n’était pas celui des hommes, mais bien celui de puissances qui ne se dévoilaient habituellement pas aux mortels.  

Derrière eux se trouvait un immense trône et je présumai qu’il s’agissait de celui de l’impératrice. Le trône était vide. Elle ne se trouvait pas là où je l’attendais. Dans un battement d’ailes, une réalité nouvelle s’offrit à mes yeux. Je croyais la salle de bal vide, mais en un espace seconde, elle fut remplie de convives. Toute l’aristocratie du labyrinthe dans sa splendeur, sa grandeur et sa supériorité se trouvait là, devant mon regard troublé par une apparition aussi soudaine.

Un serveur en smoking s’avança lentement vers moi, l’air méprisant. Il sait que je ne suis pas d’ici et il m’offrit ma boisson préférée dans un grand verre de cristal. Je pris doucement une gorgée, un peu comme un enfant incertain des conséquences de son geste. N’ayant pas été assez prudent, ma vision s’embrouilla, la salle de bal devint floue, grise et brumeuse. J’ai la tête qui tourne, je sens que la réalité s’effrite devant mon regard de simple passant ahuri.