2013

Moment publicitaire

Comme un doux son d’apocalypse, l’écho des pas gravait l’espace de la pièce. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire? Il semble qu’un léger malentendu affecte les syllabes lorsque vous tentez de me faire comprendre l’étendue des valeurs universelles qui se multiplient dans l’ordre logique de votre raisonnement. Il m’apparaît clairement comme impossible de souscrire aux apitoiements de votre être étalés ici. Il n’y a pas de malentendus, il y a des certitudes qui explosent le long de la vitre et votre logique non plus ne pourra pas vraiment résister très longtemps. Il n’y a qu’une chose de certaine : une bouteille de vodka ne se remplit pas. Et puis mon attention fut de nouveau attirée par son regard carnavalesque, sa démarche loufoque, son rire détendu, son ironie sans faille et surtout ses caresses poétiquement poussiéreuses. Bon d’accord, il faut bien l’admettre, nous nous sommes plantés. Fallait-il peut-être prendre la peine de dégriser quelque peu avant de commettre l’irréparable. Je ne vois pas pourquoi vous cherchez encore à fuir, ils sont déjà partout. La pièce est encerclée et dans quelques secondes, que dis-je, dans quelques microsecondes, la porte risque de voler en éclat. Mais nous voulions cela, non? Nous voulions absolument y être pour vivre ce seul et unique moment d’existence qui se cristallise, mais ils n’ont rien compris. Ils ont voulu rendre ce moment télésatellitaire, il voulait que cet instant soit dans l’espace pour leur permettre de vendre de la publicité. Un animateur en costume trois-pièces et une animatrice ancienne « top model » comme vedette d’un téléroman sur le pourquoi du comment. Il leur fallait donc mettre toute la gomme.

Dans le paradoxe de la fin des temps ou de la chute, le moment révolutionnaire est complètement détruit lorsqu’il se déploie dans l’espace. Il devient moment publicitaire. La machine l’absorbe et il devient marchandise de consommation, comme un tube de dentifrice, une marque de voiture ou encore un nouveau divan modulaire fabriqué en Chine avec un nom suédois. Ma chérie, nous allons dans quelques secondes devenir la première page d’un journal qui offrira la bande-annonce sous notre photo à la première compagnie marchande de passage. Ceux-ci sans aucune gêne s’annonceront avec nous. En fait, cela n’aura vraiment aucune importance. Voilà donc aussi toute la différence entre vous et moi. Je suis ici parce que je crois en vous et non parce que je pense que la situation changera grâce à un appel grandiose à la résistance du prolétariat. Pour moi, cela n’a aucune espèce d’intérêt et seule l’expérience pour l’expérience m’importe. Nous sommes la suite infinie du processus publicitaire. Nous sommes une marque de commerce, nous sommes une statistique de « focus group ». Que pense la génération postrévolutionnaire de son idéal tourmenté? L’animateur se retourne avec son sourire en dents refaites par un dentiste blasé qui trompe sa femme avec une étudiante, danseuse dans ses temps libres. Et il ose nous accuser du haut de sa chaire de prêtre « New Age ». Il faudra faire une étude statistique, convoquer le centre communautaire local, accorder à une intervenante bardée d’une maîtrise en anthropologie et une jolie paire de seins refaits par son amoureux qui l’aimait vraiment beaucoup, mais qui trouvait ses seins désespérément trop petits, mais je divague encore. Il faut me le rappeler, ma chère, je divague toujours un peu quand je parle trop. Elle trouvait, en effet, que je parlais trop. Il faudra bien lui prouver le contraire sinon je serai bientôt perçu comme tous les autres.

Elle regarda le banquier, me fit un sourire inoubliable et lui explosa la cervelle à l’aide de son bâton de baseball. Les otages, je crois, avaient compris qu’ils étaient près de la fin de la partie. Dehors, les sirènes de police s’activèrent. Dieu que je l’aimais cette fille.

Rendez-vous avec moi

Acryclique sur toile, 30» x 36»

♦ J’ai pris rendez-vous avec elle plusieurs fois ce mois-ci.Nous avions trente jours pour nous retrouver. Je crois que nous n’avions jamais passé autant de temps ensemble.

Quand je l’ai rencontrée, elle m’a dit qu’elle préférait créer avec les autres ou pour les autres. Qu’elle aimait partager l’art et se laisser surprendre de ce que la création collective pouvait lui apporter comme surprise. Elle m’a également confié qu’elle ne se consacrait jamais à réaliser ses propres projets. Elle n’a pas su répondre quand je lui ai demandé pourquoi. Je crois qu’elle n’ose pas encore me le dire.

Je l’ai prise en photo. J’ai choisi un angle de vue, une perspective, une façon de la sentir. Avant tout, ce sont ses yeux qui m’ont touchés. Ils parlaient d’un vide.

J’ai observé tous les détails de sa peau, la profondeur de son regard absent et son iris absinthe. La composition de son visage, la taille de sa bouche et de son nez. La couleur de ses lèvres, la lumière qui s’y déposait.

Je l’ai jugé sans vergogne. Elle ne me regardait jamais, mais moi profondément et j’ai pu voir dans ses yeux l’ampleur de ses rêves.

Je reprendrai volontiers rendez-vous avec elle. ♦

Le Passage (Labyrinthe VII)

Et j’ouvris les yeux pour découvrir un espace hors du temps où tournoyaient les ombres violacées de la nuit en disparaissant rapidement à l’horizon. Dans ce lieu, d’un blanc immaculé, il n’y avait plus de murs, plus de salles, plus de palais, plus de temps. Même la cité avait disparu. Mes pupilles s’émerveillaient devant cette absence de contraste. Un faisceau lumineux éclaira mon visage, s’enfonça dans mon esprit et les certitudes des réalités multiples se matérialisèrent devant moi.

Le vent s’emporta, d’abord brouillon, puis de plus en plus fort, jusqu’à balayer la fondation des équations. Hors du temps, je naviguais comme un marin perdu au cœur d’une tempête sans trop savoir où se cachaient les récifs bucoliques.

Et puis rien, juste le vide et une pièce qui se précise. Un ovale, une chaise et des bruits d’enfants qui riaient autour de moi, mais je ne voyais aucune âme. Dans les séjours perdus aux îles souvenirs de jadis, il ne restait que des éclats d’images qui s’affichaient sur les blancheurs des astres qui m’entouraient. Lorsque l’on traverse hors du temps, le sang cesse de couler dans les artères de la vie. J’affrontais le monde vide des blancheurs célestes.

Je repris contact avec la réalité du labyrinthe et j’aperçus un homme se diriger vers moi. Il dégaina son épée. Je le reconnus, c’était le prince. Il portait un grand complet de velours turquoise, son cou cintré d’un solide protecteur métallique comme chacune de ses jambes. Ses armoiries brodées se déployaient sur le devant du complet : deux grands scorpions, l’un noir et l’autre blanc.

Le passage que j’avais franchi avait modifié ma compréhension des mécaniques du labyrinthe. L’espace seconde plus tard, je tenais une épée et le velours turquoise caressait mes bras. Sur mon torse, deux scorpions s’affichaient en armoiries grandioses. J’étais en haut de l’escalier et tout en bas, le bal de l’impératrice battait à pleine mesure.

La salle de bal Labyrinthe VI

Et j’entrai dans la salle de bal, rapidement absorbé par une ambiance en complet décalage avec celle du labyrinthe. De grandes statues de marbre du prince taillées par les plus grands sculpteurs encerclaient le plancher de danse. Tout en haut, sur une mansarde de pierres anciennes, jouait un orchestre vêtu de grands vêtements de soie amples, confectionnés par les meilleurs tailleurs. Il jouait une musique douce qui brisa dans mon cœur la mélancolie accumulée depuis tant d’années d’errance dans les infâmes couloirs de la perte des sens. Cette musique nous fait oublier le temps qui fuit. Même le sablier des temps immortels s’écoule plus lentement. Les lois de la physique terrienne ne s’appliquent plus et les relations atomiques ne suivent plus l’échelle normale de l’évolution. Cette musique n’avait aucun son d’amertume, elle était parfaite. Pour la première fois, je constatai que le temps du labyrinthe n’était pas celui des hommes, mais bien celui de puissances qui ne se dévoilaient habituellement pas aux mortels.  

Derrière eux se trouvait un immense trône et je présumai qu’il s’agissait de celui de l’impératrice. Le trône était vide. Elle ne se trouvait pas là où je l’attendais. Dans un battement d’ailes, une réalité nouvelle s’offrit à mes yeux. Je croyais la salle de bal vide, mais en un espace seconde, elle fut remplie de convives. Toute l’aristocratie du labyrinthe dans sa splendeur, sa grandeur et sa supériorité se trouvait là, devant mon regard troublé par une apparition aussi soudaine.

Un serveur en smoking s’avança lentement vers moi, l’air méprisant. Il sait que je ne suis pas d’ici et il m’offrit ma boisson préférée dans un grand verre de cristal. Je pris doucement une gorgée, un peu comme un enfant incertain des conséquences de son geste. N’ayant pas été assez prudent, ma vision s’embrouilla, la salle de bal devint floue, grise et brumeuse. J’ai la tête qui tourne, je sens que la réalité s’effrite devant mon regard de simple passant ahuri.

Signalez !

Dans le cadre du festival Phénoména 2013…

Il est maintenant temps pour vous de signaler une disparition!

Composez le 514-360-2202 !

Déjà une année s’est écoulée depuis l’intrigante disparition d’Erika Weisz dans la ruelle de la Sala Rosa lors du Festival Phénomena 2012…

Dans le cadre de la nouvelle édition du Festival Phénomena, Pourquoi jamais met à votre disposition un système téléphonique interactif intelligent afin que vous puissiez toutes et tous signaler cette disparition mystérieuse et irrésolue.

Composez dès maintenant le 514-360-2202 (sans frais)!

Pour vous guider dans ce parcours insolite, Pourquoi jamais vous invite à vous procurer l’édition gratuite du journal LE MIROIR distribué largement lors du festival…

À partir du mardi 22 octobre prochain jusqu’au vendredi 25 octobre dès 19h, un centre d’appel interactif sera d’ailleurs mis sur pied dans la ruelle de la Sala Rossa (4848, boulevard Saint-Laurent) afin de faciliter les déclarations insoupçonnées.

C’est donc avec plaisir que nous vous invitons à participer en direct à cette oeuvre comique, loufoque, absurde, grinçante…

Partagez dans votre entourage!

Consulter la page Internet du projet : https://www.pourquoijamais.com/projet/pour-signaler-une-disparition/
Visitez notre événement Facebook :
https://www.facebook.com/events/666071433410510/

Personnes qui ont participé à la réalisation de ce projet:
Annabelle Petit, Anne Sergent, Audrey Poulin, Camille Toffoli, Damien Thomas, Daryl Hubert, Éric Gagné, Francis P. Paquin, Isabelle Caron, Jean-Philippe Boudreau, Jörn Nathan, Julie Aubin, Louis-Philippe Bell, Maxime Charbonneau, Mireille L. Poulin, Myriam Boivin-Comptois, Myriame Charles, Tiphaine Delhommeau et Yan Lavoie

NUITS AMÉRICAINES

Nuits américaines
Néons et autoroutes
Miroirs des astres
Camions illuminés
Dans les « drives in » désertés
Croisement de routes
Poste de péage
Sur les dérives de l’existence
Annonce de perte de sens « un-huit-cents »
Désamour et désunion
Cigarettes à profusion
Panneaux fluorescents
Rouler jusqu’à perdre son âme
Rouler dans les plaines
Comme des cowboys du futur
Mourir de soif dans les murmures
Des cigales desséchées
Explosées dans la vitre verte glacée
De la Chrysler au moteur dégommé
Nuits américaines
Joint que l’on fume
Dans un motel sans étoiles
Vapeur d’essence
Moteurs qui tournent en boucle
Se perdre dans le sens
Dans la direction ou mettre les voiles
Se remettre en question
Pour faire diversion
Rouler jusqu’au carrefour de la dérision
Nuits américaines

Labyrinthe V : Le temple

Les feuilles d’automne qui tombent sont le reflet miroir de ma mélancolie. Alors que j’avance à reculons dans les méandres de la ville centre du Labyrinthe. Les alcools d’hier effacent les souvenirs tourmentés, ils effacent son visage de mon esprit. Je m’avance dans les couloirs qui mènent au palais de l’impératrice. Devant moi, deux gardes féminins entraînées pour tuer vos espérances les plus profondes se posent en gardienne du temple de l’oubli. Je n’avais jamais vue porte aussi grande que celle qui se trouvait devant moi. On m’avait informé que franchir cette porte était un point de non retour, que l’effet d’attraction du labyrinthe serait si fort que jamais plus je ne pourrais sortir du centre, que je terminerais ma vie dans une éternelle réflexion et que doucement, je perdrais le sens de toute réalité et même ma raison d’être.

Je tendis le triangle aux gardiennes de la porte. Elles affichaient le mépris de leur rang. J’affichais mon indifférence, l’invitation était valide, j’étais le seul invité de l’extérieur. Le seul assez fou pour accepter l’invitation de l’impératrice. La porte coulissa lentement.

Soudain, je fus pris de vertige. Les effets de la porte n’étaient pas ceux que j’attendais. Je vis une femme que je ne connaissais pas s’avancer vers moi. Je n’avais plus de passé, plus de futur. Je sentais mes connections nerveuses se détendre. Elle me fit signe de la main, je la suivis dans les corridors du labyrinthe intérieur. Ils étaient beaux, ornés de grands poèmes calligraphiés à l’encre de chine.

Nous arrivâmes à la porte de la salle de bal. Sur cette porte se déployait un poème écrit en lettre d’or :

Les ailes de l’ange de feu

Se posent sur mes yeux amoureux

Et je me dépose en larmes

D’amertume

Les ombrages de mes désirs

Qu’elle combat avec plaisir

Elle s’échappe de moi

Emportée par les feuilles d’automne

Dans ces arbres de soir je vois

Les miroirs de mes vadrouilles

Des éclats de verres m’embrouillent

La Fête du Naba Ligdi

Je me promène dans le quartier Wemtenga, autrefois village Mossi, situé au nord-est de Ouagadougou. Je suis avec le petit Sébastien. Arrivés devant une grande cours qu’il pointe du doigt, il me lance :

– Ici, c’est le Naba.
– Le Quoi ?
– Le Naba, c’est le chef du quartier.

Ce que j’apprécie avec les enfants c’est qu’on apprend très vite les choses essentielles.

– Il prépare quoi ?
– Demain il fête son 12è anniversaire.

C’est un rendez-vous.

Lendemain matin. Je suis accompagné des mes amis, I.B et Ousmane.

A peine arrivés devant la cour, un coup de mortier retentit à deux mètres de moi. Mes tympans explosent, mes oreilles sifflent et je mets 10 bonnes secondes à recouvrer la vue. J’en ai perdu mon chapeau. Des filles ricanent allègrement. I.B, lui, a pris la fuite…

Dans la cour on peut entendre des chants, on nous invite à boire un coup. Il fait une chaleur écrasante, j’enfile les Fantas. La bière, qu’Ousmane semble apprécier, me paraît à cette heure là, tenir du suicide. On aperçoit des danseurs en habits traditionnels Mossis.

Leur danse est très rythmée, ils portent des casques sur lesquels je reconnais des Ojos de Dio que l’on retrouve aussi dans la culture latino-américaine.

Le plus grand d’entre eux, « un Peul » me dit Ousmane en déduisant son origine d’après son fasciés, ouvre grand ses yeux, me fixe et s’approche de moi. La musique s’intensifie, je suis pétrifié. Je rigole mais en vérité je suis mort de peur. Il ne me lâche pas des yeux, écarquillés, et me rappellent le regard des gens sous amphétamine. J’ai envie de danser à mon tour, pour lui répondre, mais je doute que ce soit approprié.

On me souffle dans l’oreille :

– Il faut que tu le travailles!

Le fameux farotage. Dans cette fête je suis le seul blanc, et ma couleur de peau lui laisse penser que j’en ai plein les poches.

– Mais… j’ai rien sur moi!

M’en allant chez le Naba Ligdi, littéralement  « le naba qui a de l’argent», il ne m’avait pas semblé judicieux d’en prendre sur moi.

La rythmique est a priori aléatoire mais petit à petit je découvre une polyrythmie que j’affectionne depuis des années : le « deux pour trois ». Un danseur joue des croches avec des pièces de métal tenues entre ses mains (son de cloche), tandis que les deux autres danseurs l’accompagnent en jouant des triolets de croches, sur des tambours coincés sous ses bras (des lungas si je ne me trompe pas).

On a ici la rencontre des rythmes binaire et ternaire. Je suis sidéré de découvrir un aspect musical aussi complexe chez…

– Prise de conscience : Chez qui? Chez quoi? Mh… et puis pourquoi pas?

Je me remémore une anecdote de mon ami guitariste Josué. Un jour qu’il pratiquait une de ses compositions, une «blanche» s’arrêta et marqua un silence (deux temps). Quand il eut terminé ses arpèges, elle lui lança « Dis-donc tu joues comme un blanc ! ». À son tour de s’énerver : « Vous les blancs, vous volez notre musique, et après vous dites qu’on joue comme vous »

Je m’approche d’une grande dalle blanche sur laquelle des enfants dansent et rient. Je m’assois près d’eux, ils jouent avec mes cheveux. Après un moment je me lève et les rejoins en essayant de danser comme eux. Eclats de rire. J’aperçois une pierre avec des inscriptions. Il y a un nom, suivi de deux dates…

– Mais… On danse sur une tombe!
On a le droit?

Les enfants ne comprennent pas ma question. Rires encore.

C’est dingue.

Moi aussi quand je serai mort je veux qu’on me transforme en piste de danse, que les arrières-petits enfants de mes petits enfants viennent célébrer en mon endroit.

Il s’agit de la tombe de l’ancêtre de la famille où est enterré l’ancien Naba.

Je descends, m’apprête à quitter les lieux quand le chant d’un vieillard retient mon attention. Je m’assois près de lui, imité par les enfants qui jusque là ne se souciaient pas de lui.

CLIQUEZ POUR ÉCOUTER LE CHANT

Le vieux est assis sur une natte, au pied d’un arbuste. Il est aveugle. Il cogne sur une tige en

métal de manière saccadée à l’aide de bagues enfilées aux doigts. Il chante en moré.

Dans l’assemblée juvénile, je me trouve un interprète.

– Il dit quoi?
– Euh… (se concentre) il cite le nom des ancêtres du Naba.
– Ah, c’est une sorte de généalogie?

(regard muet) L’enfant dit oui pour rester poli.

– Et il fait ça depuis quand?
– 150 ans.

L’enfant s’adresse au vieux. Celui-ci tend une main au hasard, je lui donne la mienne. Il pose des questions, l’enfant traduit, nous faisons les présentations.

Je lui dis que j’aime beaucoup son chant. Il m’invite à le filmer. Par chance, j’ai apporté mon micro, et un crayon.

Epilogue :

 Avant de quitter je « croque » le visage du danseur. Ils sont assis, se reposent d’avoir danser une journée sans s’arrêter. Encre de chine, à la Pratt, silhouette noire et fond aquarelle.

J’appelle mon « interprète »

– Dis-lui qu’il m’a transmis son art, et qu’en échange je lui transmets le mien »

Je lui tends le dessin, en posant un genou pour m’incliner. Il semble ravi et balbutie un « Merci beaucoup » dans ma langue. Je lui réponds en moré : Barka ! Un hôte s’interpose rapidement entre nous, apparemment contrarié. De toute la journée, personne n’avait adressé la parole aux danseurs. Sans doute ai-je franchi un tabou.

De toute façon, je n’ai jamais été très bon avec les traditions.