Texte

Je cherche les papillons

Je cherche les papillons
Ils cherchent la guerre
Je pourchasse les miracles
Ils pourchassent les imprécisions
J’exécute les folies
Ils traquent des vies
J’accumule les rêveries
Ils multiplient les tueries
Je vois ailleurs
Ils n’envoient que des leurres
Ils ne sont que malheurs
Je cours les papillons
Je mange des macarons

Le vieil ennemi

Encore toi, mon vieil ennemi.
L’armée intérieure s’engouffre dans les veines sanguines.
Au pied de ma fin du monde qui m’aspire
Le général de l’armée blanche s’avance.
Les couloirs blancs inhospitaliers me rapportent à l’intérieur de moi.
Encore toi, qui s’infiltres dans mes espérances
Et me coupe le souffle dans mes élans grandioses.
Je reste là, dans la douleur, à faire pleurer les plafonds.
Nuit de cœur, nuit de sacré
Emporte mes larmes dans les musiques classiques des corridors chrétiens.
Encore toi, pour me rappeler l’espace-temps
Des écoulements de mes joies, de mes amours et de mes folies.
Goutte à goutte, les poisons s’infiltrent dans mes rêves
Me font mal de tête.
Désolation d’espérance et urgence du temps
S’entrechoquent dans mes tourments qui me portent ailleurs.
Et j’avance toujours plus vite.
Et j’avance, pulsion de vie.
Et j’avance droit devant.
Tu n’auras pas ma peau, je serai libre bien avant.
Encore toi, mon vieil ennemi.
Un jour, je t’emporterai loin de moi
Au bout du temps, au bout du monde.
Et tu ne seras plus qu’un sinistre souvenir.

La goutte de trop

La goutte d’eau descend le long du drain. Elle fait un bruit, puis une autre goutte prend le relais. Le ciel est gris. Hier, il a plu malgré le froid. Le vent frappe la tôle de la maison et les secondes s’éclipsent. Une autre goutte d’eau s’engouffre dans ce chemin sans fin. J’enfile un bas dans le mauvais pied. Le son de l’eau m’agace. Je marche jusqu’à l’évier et tourne très fort le robinet. L’eau ne s’arrête pas. Je regarde la goutte suivante suivre lentement son parcours. Dehors, l’arbre sans feuilles caresse la pluie. Il pleut si finement que bientôt l’eau se transforme en léger grésil.

Il y a des jours qui passent sans faire de vacarme. Ils s’effacent tranquillement du calendrier. Un jour de plus. Comme cette nouvelle goutte d’eau. J’ai réalisé que je n’attendais personne et que cela m’était indifférent. Je regarde le chat. Il ne réclame rien. Il dort, il doit dormir des heures. Il passe le temps. Je me demande parfois à quoi il rêve. Et zut! Une autre goutte d’eau fait son chemin. Imperturbable, la garnison des gouttes d’eau semble sans fin. Je me gratte la tête et remarque que j’ai juste un bas. J’ai oublié d’enfiler l’autre.

Combien de gouttes d’eau faudrait-il pour me noyer si le drain devait se boucher? Combien de secondes devrais-je affronter avant que l’appartement ne soit complètement submergé? Voir soudain les fondations se fendre et la maison se refermer sur mon appartement. J’imagine que cela n’aurait pas vraiment d’importance. Pourtant, il y aurait une étude à faire. Pourquoi la dernière goutte d’eau qui a tout fait s’écrouler a-t-elle commis ce crime? Raison d’État? Moment de folie? Louve solitaire? Délinquance juvénile d’une simple goutte d’eau? Au mauvais endroit au mauvais moment? Je vois d’ici un panel d’experts se poser la question sur les motifs profonds ayant poussé la goutte d’eau de trop à accomplir son méfait devant un animateur subjugué.

Je prends le bol d’eau du chat et je le remplis. Peut-être que les gouttes d’eau cherchent juste un sens à leur vie. Le chat a entendu un bol faire du bruit. Il rapplique dans la cuisine. Non! Juste de l’eau, mon ami. C’est l’austérité et il faut faire avec. Sinon, fait comme nous et trouve-toi du travail dans le domaine de la souris. Il paraît que d’autres chats on fait la passe dans ce secteur. Pas pour toi, le travail? Je sais. J’ai un chat sur le bien-être social. Un chat qui attend chaque soir son repas comme d’autres le chèque de la fin du mois.

Il est tard, il fait noir dehors. On avançait l’heure pourtant. J’ai décidé de couper l’eau. Je ne veux pas voir le plombier. J’ai acheté une bouteille d’eau. Je vais enfin pouvoir dormir. 

( Merci à mon père pour les idées)

Déroute

« Pourquoi tu gosses? Pourquoi? »

Les sentiers illuminés de ses déroutes s’engouffrent dans les mélancolies alcooliques. Elle ne pouvait que lui prouver sa déraison. Il écrivait des vers pour les desserts de ses courbes qui n’étaient que des illuminations de son cerveau. Il avait dans son sang le goût des moments qui se perdaient dans les mots le long du drap blanc. Pendant les froids que lui offre la vie, le déplaisir des astres, le conformisme et le féminisme empêcheront l’étalement de son désir. Et il pense que peut-être un soir de pleine lune, il pourrait voir l’éternité et connaître le prix des passages immortels et des voyages sans nom. Flottements célestes de son corps en transfert dans les lunes des idéaux. Affranchir son souffle pour un seul baiser volé à ses chastes lèvres. La lumière diffuse d’une seule surprise au matin des pertes de sens. Le prix… Toutes voiles dehors, c’est la montée des ténèbres dans ses os de vampire.

« Prends mon cœur, prends la vie qui ne vaut que cette parcelle de jouissance. Pourquoi tu gosses? Tu étais pourtant agréable… »

La cristallisation du moment

Il y a des fractions de temps que l’on doit diviser par seconde. L’action et la vitesse défilent alors en image 24 secondes. La voiture de la Sureté du Québec termina sa course dans le stationnement. Le Chauffeur, au même moment, sortit de l’allée avec deux flacons de 40 oz dans les mains. La télévision décida, faute de chance, de projeter le portrait des trois acolytes. Et puis, la porte du dépanneur enclencha le bruit du mobile métallique. La Rêveuse leva les yeux et sortit de la lune devant le Chauffeur qui se dirigeait vers elle. Comme il est beau, se dit-elle. Le policier matricule 14235 entra à son tour et ses yeux allèrent rapidement de la télévision vers la rêveuse et puis lentement, son cerveau compris qu’il avait devant lui l’un des responsables de la prise d’otage à la Banque Centrale Impériale.

La guerre, l’affrontement qui porte l’homme à la victoire ou à la défaite, est un mélange de tactique et de chance. Cette fois, le hasard laissa tomber la bille de métal froide sur la grande roue du destin. C’était le 13 noir. Le numéro chanceux. La Rêveuse abattit le policier d’un seul coup du vieux pompeux de son grand-père. Le Chauffeur ne comprit la situation que lorsque les fragments de balle traversèrent le policier. Le Chauffeur regarda la Rêveuse et un coup de foudre le frappa de plein fouet.

L’Anarchiste, suivi de sa Rebelle, entra à lui aussi dans le dépanneur. Il comprit que la situation n’était peut-être pas sous contrôle. Calmement, il braqua son arme sur la Rêveuse. Le Chauffeur regarda son ami et dit : « Tu ne vois pas que je suis amoureux? Elle vient avec nous. Elle vient de nous sauver la vie. » « Toi, amoureux! », dit la Rebelle. Le Chauffeur la regarda avec mépris. Elle n’avait pas plus que lui une conception romantique de la chose.

Les quatre comparses vidèrent le rayon d’alcool et le coffre du dépanneur. La Mustang avait faim de rouler. L’asphalte noir brûlant offrait une route vers l’enfer digne de ce nom.  La voiture de police explosa au loin. La radio jouait « Paint in Black » des Rolling Stones. La Rêveuse mit sa main sur la main du Chauffeur alors qu’il passait en cinquième vitesse.

Adieu sans préavis

( Printemps 2000 )

Poète du crépuscule
Mes particules
D’amours désassemblées
Perforent les temps derniers
Et coule le vin sur ses seins
 
Je me fais marcheur des douze saints
Il est minuit moins le quart des apôtres
Devenir le prophète de sa mélancolie
Caresser les images de ses fantaisies
Déguiser mes sombres mensonges
 
Fuir devant la suite qui conduit au néant
S’engouffrer lentement
Dans la pièce au soleil levant
Je m’effrite en lambeaux
Déclassés sous le poids des vitraux
 
Devant la lourdeur des bottes
De son armée d’invasion métallique
Je raccroche mon écharpe
Ajuste mon sourire hérétique
 
C’est la fuite poétique, mathématique

Peinture d’un temps ancien

( L’appartement, été 2008)
 
Disjoncter, mon ami le jeune clown
Dans sa cour, il y a une foule de courtisanes
Mais aucune ne semble pouvoir devenir reine
Disjoncter le clown
C’est un être complexe
Sa pensée n’est pas cristallisée
Elle virevolte au vent
Et on peut, si on est chanceux
Voir un peu plus loin
 
Et il y a ceux qui dansent
Et ceux qui rient
Il y a des éclats de lumières sombres
Qui frappent les corridors des esprits
Dans une boîte quelque part
Le  vieux disjoncteur observe la scène
Il est loin sur le front
Une ligne frontière
Il écrit sur du papier noir
Un texte à l’encre bleue
Pour son ancienne fiancée
Restée sur le quai, le temps d’un dernier baiser
 
Une scène, un plan, un horizon
Lentement, la caméra recule
Et prends de la vitesse
Il s’enfonce vers nulle part
Disjoncter le clown
Lui s’efforce encore devant les sourires
Il croit toujours au monde qui l’entoure
Sa déconnexion n’est pas terminée
 
Compte jusqu’à treize
Un, pour le temps qui passe
Deux, pour les peines d’amour
Trois, pour les corridors qui mènent vers ailleurs
Quatre, pour les bonbons roses de nos grand-mères
Cinq, pour l’amour
Six, pour l’art
Sept, pour les oubliés morts au champ d’honneur
Huit, pour les junkies qui marchent dans la nuit
Neuf, pour les vampires qui sucent le sang
Dix, pour ne plus rien comprendre
Onze, un cœur d’enfant
Douze, une amitié
Treize, court-circuit
Disjoncteur disjoncté
 
Il y a une scène de baiser
Sur le balcon quand la foule s’éloigne
Quelques bavardages
Il est tard, les étoiles se couchent
Ce soir, je traverse la nuit en voyageur
Au loin, la citadelle m’attend.

Le réveil froid

( Mars 2000)

Chaque nuit absence
Le temps s’allonge
Pour s’étendre
Dans les étoiles
 
Et le soleil des nuits
Ne brille plus dans mon lit
Qui se refroidit
Dans l’hivers triste qui s’emplit
 
J’évoque son nom souvenir
Pour franchir l’aube des soupirs
Et je revois son sourire caché
Revenir me hanter

Destins croisés

(* Réflexion de Saint-Valentin à 32 degrés sous zéro *)

 Le métro roulait dans la nuit. La rame était déserte et sans vie. Je me souvenais de son regard qui disparut quand les portes du train se refermèrent sur elle. Elle avait encore trop bu; j’aurais voulu l’embrasser, mais mon amour pour elle s’était alors tu devant son refus. Quelque part, maintenant dans les mirages des illusions de décors qui défilent dans la grisaille des couloirs souterrains de la station Sauvé, j’inventais des mondes.

Quand je l’ai revue, elle s’était déjà amourachée d’un autre. Je me pris dans mes rêveries à penser les possibles. Était-ce mon propre manque de volonté ou mon attention détournée qui faisait en sorte qu’elle n’était que souvenir amer? Était-ce ma faute? Ou bien je n’y pouvais rien, car mon axe de vie se dirigeait inlassablement ailleurs? N’est-ce pas simplement une projection de la propagande du cinéma hollywoodien? Existe-t-il un monde où je sacrifie tout pour la rejoindre? Un monde dans lequel j’achète un billet aller simple. Un monde ou Franck Sinatra chante durant le générique de mes souvenirs.

Ce soir, il n’y a pourtant que le vent et la matrice ne m’offre rien que le glacial hiver québécois.      Il fait froid, l’alcool, les vapeurs de cannabismes affectent mes sens. Depuis les derniers bombardements de mon cœur par son aviation, j’ai demandé au général de l’armée de terre d’assurer la protection du bunker. Elle vit quelque part sans moi. Pense-t-elle à moi? Pense-t-elle à lui? La solitude, la vraie, serait-elle de t’aimer dans le vide, dans le néant, d’être seul sans miroir et sans retour?

Je me demande, si dans une autre dimension, mes amis seraient mes amis. Si je n’avais pas cette fois-là ou à cette autre occasion dirigé mes pas dans cette direction, que serait-il arrivé? Les couples, les coups de cœur, les baisers frénétiques, les enfants, la maladie et la mort, tout ça virevolte dans les chemins croisés des destins. Existe-t-il un espace différent des calculs aléatoires, des trajectoires divinatoires ou simplement un seul destin déjà payé d’avance? Existe-t-il un monde où j’ose lui dire que je l’aime?

Tentative d’épuisement de 3 lieux

Montréal, samedi 31 janvier 2015, 10h. Temps froid et sec, ciel ensoleillé. Trois coins de rue de trois quartiers différents. Simultanément postés devant nos écrans d’ordinateurs respectifs dans des cafés d’Outremont, d’Hochelaga et du quartier Centre-Sud, nous tentons de faire parler les lieux. Pendant une heure (la même), nous notons de façon continue ce qui s’offre à notre regard: l’animation des cafés, les affiches des commerces, les passants, les véhicules qui circulent dans les rues, la couleur des briques, la texture des arbres, les fissures dans les trottoirs, les déchets. Tous ces détails qui, ensemble, constituent la mémoire, inépuisable, de ces lieux montréalais.

10h

10h10

10h20

10h30 

10h40

10h50

11h

En même temps

L’idée lui tord l’intérieur. Merveilleuse et impossible.
Un chat, attiré par la fable, s’est usé les griffes en vain.

C’est introspectif comme thème.

Pourtant il lui semble que la lumière ventile encore un espoir sucré. Miroiter que l’omniprésence soit enviable… Il n’est pas certain.

Mes images s’effacent au profit des mots et se faufilent, entraînant l’alphabet dans leur course. Le paysage défile, indémêlable.

Alors il décrirait les rêves éveillés.
Chapeau! Il n’a pas de bottes de sept lieues mais un chapeau oui. Et le coiffer est une invitation au voyage.

Promenade en vis à vis.
Deux regards sur un paysage de reflets.
Dedans, dehors. En même temps.

Dedans
Paysage de fourmis au soleil. Craquante agitation de croque-mitaines en costume d’hiver et de marbrures. Pavés mouvants, lézardes en ascension constante vers la sainte coque, le béton concave d’une arche de Noé qui ne se sauve plus qu’en rêve.

Dehors
Les grues, drapeaux en poupe, se livrent des duels essoufflants tout le temps d’un tour de soleil.

Ici
Dans leur course folle, des tortues enivrées se retrouvent sur le dos, incapables du moindre mouvement. Incapables!

Là-bas
C’est un sillon noir que l’on trace sur la neige. Blessure salée du bitume en hiver.

Encore
Je m’endors sur mon cahier, alors que des murs blancs s’effondrent en gris. Des taches dans les yeux, indélébiles, invisibles pour l’autre coté. Un jour je rêve sans dormir, mais ce n’est pas vrai, ce n’est jamais vrai. Ce n’est pas moi qui meurs, ce sont toujours les autres.

Ailleurs
Le temps de l’œuf. La marche militaire. Tu rêves. Il claque des portes à ta fenêtre. Quatre. Étang de cris au crépuscule du chaloupé. Le rythme se balance au bout d’une corde de grillons.
Sentimentale. Tu souffles une brise de jasmin pour que l’écho du voyage te suive jusque dans les plis d’un autre sommeil. Te survive, la soie de la nuit.

Assez
C’est étourdissant. Tant d’incohérence, j’ai mal au cœur.
Soyons sérieux et comptons. Les flocons par bourrasques, les efforts par pelletées et nos pas dans la forêt. Au bord de l’autoroute, l’horizon bleu des érables sous solutés n’inspire pas confiance. L’attraction est ailleurs, les accidents se succèdent pour le plaisir des voyeurs. Au gré des glissades, le long ruban rouge s’anime ou s’arrête. Il fera bientôt noir sur ses berges blanches, et nous jouerons encore le jeu. 

L’avaleuse (Labyrinthe VIII)

Et dans un moment de flottement entre deux temps, je descendis l’escalier. Ce dernier semblait étrangement mou et difforme. Lorsque j’arrivai au bout des marches avec la plus grande difficulté un gouffre s’ouvrit devant moi, la musique qui émanait de la salle de bal s’arrêta. Les colonnes de la pièce se mirent à fondre. L’impératrice était là. Elle n’avait plus sa forme normale. La foule des convives était en état de panique. Pour la première fois, les lois de l’équilibre du Labyrinthe semblaient être déstabilisées. La forme sans âme de l’impératrice avançait vers moi.

Le gouffre s’agrandit, le temple fut bientôt absorbé et les débris remplacés par un champ de fleurs fanées, d’arbres calcinés et de rochers usés par le temps. L’impératrice s’était transformée et le labyrinthe se consumait. L’impératrice était devenue une avaleuse. Elle avalait toutes les parcelles des bonheurs, toutes les joies, toutes les peines, toutes les passions, et ce, jusqu’au dernier mot d’amour.

Les pensées de ma tête s’évaporaient. Les nuages devenaient pourpres, marron, jaunes et noirs; terriblement noire.

Le Labyrinthe ne tolérait pas cette résistance. Il ne pouvait concevoir qu’un esprit, prisonnier de sa personne, puisse se rebeller contre sa fonction de prison éternelle. Le passage que j’avais ouvert n’était pas son œuvre, c’était la mienne. Alors, il déployait son arme favorite et était prêt à sacrifier l’ensemble des habitants pour assouvir sa soif d’autorité. L’avaleuse s’attaqua à la lumière, je ne ressentais plus rien. La passion violente s’évaporait en bruine du matin des rosées.

L’avaleuse n’avait aucune pitié, elle avait un ego sans fin et servait le Labyrinthe. Je me demandai si je n’aurais pas mieux fait d’accepter mon sort et de longer sans fin les corridors du Labyrinthe. On m’avait avisé de ne pas me rendre au centre. L’avaleuse s’attaquait maintenant aux mots qui composaient mon cerveau. Soudain, dans ma poche le triangle d’invitation s’activa…