Prose

La cristallisation du moment

Il y a des fractions de temps que l’on doit diviser par seconde. L’action et la vitesse défilent alors en image 24 secondes. La voiture de la Sureté du Québec termina sa course dans le stationnement. Le Chauffeur, au même moment, sortit de l’allée avec deux flacons de 40 oz dans les mains. La télévision décida, faute de chance, de projeter le portrait des trois acolytes. Et puis, la porte du dépanneur enclencha le bruit du mobile métallique. La Rêveuse leva les yeux et sortit de la lune devant le Chauffeur qui se dirigeait vers elle. Comme il est beau, se dit-elle. Le policier matricule 14235 entra à son tour et ses yeux allèrent rapidement de la télévision vers la rêveuse et puis lentement, son cerveau compris qu’il avait devant lui l’un des responsables de la prise d’otage à la Banque Centrale Impériale.

La guerre, l’affrontement qui porte l’homme à la victoire ou à la défaite, est un mélange de tactique et de chance. Cette fois, le hasard laissa tomber la bille de métal froide sur la grande roue du destin. C’était le 13 noir. Le numéro chanceux. La Rêveuse abattit le policier d’un seul coup du vieux pompeux de son grand-père. Le Chauffeur ne comprit la situation que lorsque les fragments de balle traversèrent le policier. Le Chauffeur regarda la Rêveuse et un coup de foudre le frappa de plein fouet.

L’Anarchiste, suivi de sa Rebelle, entra à lui aussi dans le dépanneur. Il comprit que la situation n’était peut-être pas sous contrôle. Calmement, il braqua son arme sur la Rêveuse. Le Chauffeur regarda son ami et dit : « Tu ne vois pas que je suis amoureux? Elle vient avec nous. Elle vient de nous sauver la vie. » « Toi, amoureux! », dit la Rebelle. Le Chauffeur la regarda avec mépris. Elle n’avait pas plus que lui une conception romantique de la chose.

Les quatre comparses vidèrent le rayon d’alcool et le coffre du dépanneur. La Mustang avait faim de rouler. L’asphalte noir brûlant offrait une route vers l’enfer digne de ce nom.  La voiture de police explosa au loin. La radio jouait « Paint in Black » des Rolling Stones. La Rêveuse mit sa main sur la main du Chauffeur alors qu’il passait en cinquième vitesse.

Peinture d’un temps ancien

( L’appartement, été 2008)
 
Disjoncter, mon ami le jeune clown
Dans sa cour, il y a une foule de courtisanes
Mais aucune ne semble pouvoir devenir reine
Disjoncter le clown
C’est un être complexe
Sa pensée n’est pas cristallisée
Elle virevolte au vent
Et on peut, si on est chanceux
Voir un peu plus loin
 
Et il y a ceux qui dansent
Et ceux qui rient
Il y a des éclats de lumières sombres
Qui frappent les corridors des esprits
Dans une boîte quelque part
Le  vieux disjoncteur observe la scène
Il est loin sur le front
Une ligne frontière
Il écrit sur du papier noir
Un texte à l’encre bleue
Pour son ancienne fiancée
Restée sur le quai, le temps d’un dernier baiser
 
Une scène, un plan, un horizon
Lentement, la caméra recule
Et prends de la vitesse
Il s’enfonce vers nulle part
Disjoncter le clown
Lui s’efforce encore devant les sourires
Il croit toujours au monde qui l’entoure
Sa déconnexion n’est pas terminée
 
Compte jusqu’à treize
Un, pour le temps qui passe
Deux, pour les peines d’amour
Trois, pour les corridors qui mènent vers ailleurs
Quatre, pour les bonbons roses de nos grand-mères
Cinq, pour l’amour
Six, pour l’art
Sept, pour les oubliés morts au champ d’honneur
Huit, pour les junkies qui marchent dans la nuit
Neuf, pour les vampires qui sucent le sang
Dix, pour ne plus rien comprendre
Onze, un cœur d’enfant
Douze, une amitié
Treize, court-circuit
Disjoncteur disjoncté
 
Il y a une scène de baiser
Sur le balcon quand la foule s’éloigne
Quelques bavardages
Il est tard, les étoiles se couchent
Ce soir, je traverse la nuit en voyageur
Au loin, la citadelle m’attend.

Destins croisés

(* Réflexion de Saint-Valentin à 32 degrés sous zéro *)

 Le métro roulait dans la nuit. La rame était déserte et sans vie. Je me souvenais de son regard qui disparut quand les portes du train se refermèrent sur elle. Elle avait encore trop bu; j’aurais voulu l’embrasser, mais mon amour pour elle s’était alors tu devant son refus. Quelque part, maintenant dans les mirages des illusions de décors qui défilent dans la grisaille des couloirs souterrains de la station Sauvé, j’inventais des mondes.

Quand je l’ai revue, elle s’était déjà amourachée d’un autre. Je me pris dans mes rêveries à penser les possibles. Était-ce mon propre manque de volonté ou mon attention détournée qui faisait en sorte qu’elle n’était que souvenir amer? Était-ce ma faute? Ou bien je n’y pouvais rien, car mon axe de vie se dirigeait inlassablement ailleurs? N’est-ce pas simplement une projection de la propagande du cinéma hollywoodien? Existe-t-il un monde où je sacrifie tout pour la rejoindre? Un monde dans lequel j’achète un billet aller simple. Un monde ou Franck Sinatra chante durant le générique de mes souvenirs.

Ce soir, il n’y a pourtant que le vent et la matrice ne m’offre rien que le glacial hiver québécois.      Il fait froid, l’alcool, les vapeurs de cannabismes affectent mes sens. Depuis les derniers bombardements de mon cœur par son aviation, j’ai demandé au général de l’armée de terre d’assurer la protection du bunker. Elle vit quelque part sans moi. Pense-t-elle à moi? Pense-t-elle à lui? La solitude, la vraie, serait-elle de t’aimer dans le vide, dans le néant, d’être seul sans miroir et sans retour?

Je me demande, si dans une autre dimension, mes amis seraient mes amis. Si je n’avais pas cette fois-là ou à cette autre occasion dirigé mes pas dans cette direction, que serait-il arrivé? Les couples, les coups de cœur, les baisers frénétiques, les enfants, la maladie et la mort, tout ça virevolte dans les chemins croisés des destins. Existe-t-il un espace différent des calculs aléatoires, des trajectoires divinatoires ou simplement un seul destin déjà payé d’avance? Existe-t-il un monde où j’ose lui dire que je l’aime?

L’avaleuse (Labyrinthe VIII)

Et dans un moment de flottement entre deux temps, je descendis l’escalier. Ce dernier semblait étrangement mou et difforme. Lorsque j’arrivai au bout des marches avec la plus grande difficulté un gouffre s’ouvrit devant moi, la musique qui émanait de la salle de bal s’arrêta. Les colonnes de la pièce se mirent à fondre. L’impératrice était là. Elle n’avait plus sa forme normale. La foule des convives était en état de panique. Pour la première fois, les lois de l’équilibre du Labyrinthe semblaient être déstabilisées. La forme sans âme de l’impératrice avançait vers moi.

Le gouffre s’agrandit, le temple fut bientôt absorbé et les débris remplacés par un champ de fleurs fanées, d’arbres calcinés et de rochers usés par le temps. L’impératrice s’était transformée et le labyrinthe se consumait. L’impératrice était devenue une avaleuse. Elle avalait toutes les parcelles des bonheurs, toutes les joies, toutes les peines, toutes les passions, et ce, jusqu’au dernier mot d’amour.

Les pensées de ma tête s’évaporaient. Les nuages devenaient pourpres, marron, jaunes et noirs; terriblement noire.

Le Labyrinthe ne tolérait pas cette résistance. Il ne pouvait concevoir qu’un esprit, prisonnier de sa personne, puisse se rebeller contre sa fonction de prison éternelle. Le passage que j’avais ouvert n’était pas son œuvre, c’était la mienne. Alors, il déployait son arme favorite et était prêt à sacrifier l’ensemble des habitants pour assouvir sa soif d’autorité. L’avaleuse s’attaqua à la lumière, je ne ressentais plus rien. La passion violente s’évaporait en bruine du matin des rosées.

L’avaleuse n’avait aucune pitié, elle avait un ego sans fin et servait le Labyrinthe. Je me demandai si je n’aurais pas mieux fait d’accepter mon sort et de longer sans fin les corridors du Labyrinthe. On m’avait avisé de ne pas me rendre au centre. L’avaleuse s’attaquait maintenant aux mots qui composaient mon cerveau. Soudain, dans ma poche le triangle d’invitation s’activa…

La rêveuse

Comme je marchais dans les limbes des désolations, les ruines des déchirures affectaient mes regards et de mes yeux perlaient les rêves de mondes nouveaux. Un cerveau en tête d’abricot et des mousses folles, je m’élevais grandiose.

Je n’avais d’espoir que pour un seul sourire. J’étais perdue au firmament du désir. Quitter ce monde aux idées fixes, mortes et noires. Je rêvais d’aventure qui d’un seul trait effacerait les angoisses de mes canaux interstellaires.

Je n’étais qu’une enfant, dans un monde de vieux, qui attendait les clients perdus dans la nuit ici à l’Escale, commerce du milieu et du bout du monde coincé entre deux maringouins et quelques sapins.

Alors que j’étais perdue dans mes rêveries et que mon monde réel me tuait de son ennui quotidien, j’entendis un bruit au loin. Le moteur rugissant d’une Mustang dont le son de la décélération m’indiquait que j’aurais enfin de la compagnie, mais j’étais loin de me douter que celle-ci m’emporterait avec elle.

***

Bon, on va devoir s’arrêter et faire le plein. Il dort toujours, elle aussi. Le repos du guerrier.

Le Chauffeur arrêta la voiture devant la pompe 68 de l’Escale. La nuit était noire et sans failles. Quand le moteur s’arrêta de gronder, chérie se reposait et le chant des criquets s’amplifia. Le Nord dans toute sa splendeur.

Bon, le plein est fait. Je pense que je vais profiter du silence et de notre avance pour acheter un peu d’alcool et de bouffe. Tu m’attends ici, Chérie. Je reviens.

Le magasin offrait l’ensemble des commodités. Le Chauffeur entra. Une jeune fille d’environ dix-neuf ans perdue dans ses rêveries lui fit un grand sourire. Le Chauffeur ne lui porta pas attention et se dirigea d’un pas déterminé vers le frigo à bière.

Furtivement, une voiture de la Sureté du Québec se gara à la pompe 66.

Le chauffeur

Fallait bien que je vienne les sortir de la merde mes deux tourtereaux. L’amour comme ils disent. Elle a vraiment l’air de prendre son pied. Va falloir qu’elle le lâche parce qu’il ne tire plus juste. On ne peut pas tirer du semi-automatique, semer les cochons et baiser sur la banquette arrière en même temps, ma belle. Bon, c’est le temps d’utiliser de la technique et de semer cette bande de porcs.

L’idée aussi de voler une banque après avoir dévalisé l’alcool du bar hier soir. C’était quoi le nom du bar? Ah oui, je me souviens : le Détour rouge. La serveuse valait vraiment le détour en effet. Voler une banque et oublier que votre chauffeur s’est endormi saoul mort sur le divan de la chambre cent douze du motel au Cap Diamant rue De Lorimier. J’espère juste que mon bébé à moi n’aura pas de blessure mortelle. Avoir fait un plan, j’aurais volé un autre char. Le problème avec un anarchiste, c’est qu’il fait toujours juste à sa tête. L’autre problème quand il est avec sa rebelle, c’est qu’il doit ensuite donner un sens au chaos que sa tête de fou vient de créer afin de faire de l’effet ou du style comme il dit lui-même.

Allez, chérie! On va l’atteindre ensemble le 200 kilomètres à l’heure. Finalement, j’ai très bien fait d’amener chérie avec moi, car je pense qu’ils n’ont pas prévu de billets de retour. On va rouler et mettre de la distance entre le monde et notre monde. La cassure ne va pas se refermer. Bon, elle est où cette bouteille?

***

La voiture accélère. Dans un espace de temps qui figure sur cette ligne au milieu de la route comme dans celle de la vie, la Mustang engrange les kilomètres. Les voitures de police n’arrivent pas à suivre, faut dire que pour un gars de région, une voiture c’est pire qu’une femme. Elle doit être parfaite, sans failles et toujours répondre au doigt et l’œil. Le gouvernement aurait dû refaire une commande de voitures de poursuite, mais bon, les amis du régime doivent se la couler douce sur un yacht avec le pognon du budget en question.

Route du Nord. Forêts, lacs, rivières et villages dégagent du paysage les clochards, les édifices sombres et les filles froides. Les sirènes ont perdu la guerre. Le silence s’installe. Sur la banquette, l’anarchiste et sa douce rebelle dorment paisiblement maintenant. Le chauffeur, roule droit devant lui, direction l’Abitibi.

Intercalaire

Un brin d’amertume dans le regard. Il fait froid dehors. Vent glacial d’hiver, mais nous sommes pourtant aux portes de l’enfer. Non, mais quand même, il ne faudrait pas se prendre au sérieux. La cigarette se consume et au loin s’illumine la croix du Mont-Royal. La croix est fixe et regarde l’île depuis je ne sais combien d’années. Point de repère du corsaire, chaque fois que l’on fume dehors dans la neige qui frappe les vitres d’un appartement. On pourrait être sur le bord de la mer, sur une île, le décor serait plus sympathique. Combien de fois ai-je fumé ainsi seul? Toujours avec l’immense plaisir de me retrouver quelques minutes pour faire le vide.

Je rêve à mes personnages, coincés dans leur voiture avec la police au cul. J’essaie de m’accrocher au moment présent et de ne pas trop faire de projections. Le tableau affiche l’heure des départs. Je cherche surtout l’heure des arrivées. Il me semble que la matrice n’a pas produit de distorsion depuis un bon bout de temps. Le vin a un goût étrange, ça doit être le mélange de bouffe, de cigarette et de gin avalé plus tôt.

Il y a la musique et les toasts que l’on porte. Les départs que l’on fête et la joie des nouveaux arrivants. Ils n’ont pas l’air faits forts nos amis de passage. Je ne pense pas qu’ils vont franchir avec succès la vallée russe. Moi, j’ai pris congé. Les pauvres, ils n’ont rien pour se défendre, même pas d’historique.

J’ai vraiment merdé sur ce coup-là.Faut vraiment que je ferme ma gueule. Pas les moyens d’avoir d’autres interrogations. J’enfile mon déguisement de politicien si pratique dans les périodes où je veux sauvegarder les apparences. Faut que je calme les démons qui harcèlent mon cerveau.

Je réalise surtout que je suis dans ce que Burroughs avait baptisé l’interzone. L’interzone entre deux mondes. Un intercalaire. Quand je suis assis dans la pièce, je perçois des variables possibles dans la réalité que je définis par écrit. Je modifie les variables pour créer de l’effet. Mais les effets restent prisonniés dans l’interzone, je n’arrive à rien matérialiser. J’ai toujours l’impression de cabotiner dans mon rôle.

Bon, allez! Passe-moi donc le Scotch, novembre achève. De retour au programme principal.

Truand, baiser et Mustang

( * lire le texte Moment publicitaire avant celui-ci )

Le sang du banquier giclait sur le socle. Du si beau marbre aurait dit ma mère. Il me regardait encore. Il avait cette obsession de toujours me sourire. Depuis, notre rencontre dans ce bar miteux, il n’avait cessé d’être illuminé par ma présence. Maintenant, je pense, enfin j’espérais avoir capté son attention avec mon acte complètement fou. Il faut croire que ça fait du bien un bon coup de baseball bien visé et le grand chelem n’est pas si loin finalement. Les otages s’étaient tuent leurs cris de désespoir m’énervaient au plus haut point. Je déteste ce comportement de pleutre, qui après avoir mené une vie de nul implore encore quelques fractions de seconde. Une seconde de plus va changer quoi dans ta vie?

Là, devrais-je encore décider ? Il semblait trop apprécier le moment pour réagir et prendre la fuite. C’était, lui dans toute sa splendeur, le moment présent comme une terminaison définitive. Le hurlement des sirènes était de plus en fort. Lentement, il cessa de me regarder et leva les yeux. Je savais qu’il avait décidé de la suite de l’action. Il s’empara de son arme, ramassa les deux sacs d’argent, arma l’arme et le feu nourri du semi-automatique fit voler en éclat la vitre principale de la banque. Dehors, la cavalerie arriva à vitesse folle. Une journaliste blonde, jambes sans fin et sourire de pulsion de glace avec son cameraman grand et musclé qui devait savoir s’occuper d’elle les soirs sans reportage. Ils tentaient de capturer le meilleur moment d’intensité pour les spectateurs du monde entier.

Voilà le moment. L’intensité, c’était bien la clé. Il avait compris qu’il ne pourrait pas combattre la morosité des choses de la vie qu’en m’offrant cette intensité. Intensité dans chaque chose, dans l’action, dans les mots, dans l’alcool, dans les gestes amoureux, dans l’amour lui-même. Intensité qui t’empêche de rester dans le même état plus de deux secondes. Il avait décidé de mourir et c’est pour cette raison que je savais que nous sortirions d’ici vivant.

Et au moment où la police semblait avoir repris le contrôle du chaos, la Mustang noire arriva. Il y a deux sortes d’orgasmes : celui de la baise et celui de la mort qui se rapproche. Les balles volèrent dans toutes les directions. La portière passagère de la voiture s’ouvrit. C’était bien lui. Ce matin, encore trop saoul, il ne s’était pas levé. La veille, pourtant il était prêt au combat pour se rendre au bout du monde. Mais, ils étaient ensemble et ils savaient toujours arriver au moment précis où l’un avait besoin de l’autre. Le reste est comme un rêve. Il me pousse, je grimpe. Je suis assise sur lui et son espèce d’acolyte au volant encore sur les vapeurs de la veille démarre en trombe. Je sens les balles froides du semi-automatique me glisser le long de la cuisse, je sens l’odeur de l’argent. J’entends les sirènes et je pense bien que cette fois j’y suis enfin. Pour la première fois de ma vie, je prends mon pied.

Tic Tac Toc

Le tic du toc
Ses courbes!
Bois-tu la tasse?
Le toc du manque de tac
Mettre en boîte
Analyse
Une ligne
Paralyse devant sa jupe
Retrousse ton sourire
Mais je vous dis que ça va bien!
La fin des moyens
Retraite préventive
Capitulation?
Jamais
Je me perds
Elle s’égare
Saoule?
Bien sur
Un chat
Mais je suis scorpion
Je t’écrase
Fuite devant
Merde je suis saoul
Encore
Le gars est beau
Je cogne
Ben non embrasse
Celà pourrait faire un froid?
Je sais
Méchant conseil d’administration
Si elle savait
Convention morale.
Je couche ma main
Attention
J’attends mes cartes
La chance tournera
Comme ma tête 
En Tic Tac Toc

Lendemain de veille

Le couloir est vide
Les couleurs s’évaporent
Les désirs s’effacent
Le silence s’invite
 
Il ne reste que quelques secondes
Son visage disparait
J’avorte mes songes
Crois mes mensonges
 
La foule s’évanouit
La ville s’endort
Et je reste seul
Ici dans l’effroi
 
Perdu au creux
Des vallées tourmenteuses
Je sens que je perds pied
Je tombe de haut
 
J’avorte dans ma tête en bulle
J’avorte les possibles
J’avorte les mondes ouverts
J’avorte ma raison d’être
 
Silence froid
Des solitudes 
Je m’endors
Une fois encore sans vous

Fidèle compagne

Elle arriva dans un espace qu’elle ne connaissait pas. La douleur était enfin partie. Le poids du steak ne l’affectait plus. Elle se sentait soudain comme jadis quand la fatigue ne l’atteignait pas. Elle s’était trouvée sur le chemin d’un vieil abbé qui lui avait offert de l’eau d’une pureté qu’elle n’avait jamais encore osé imaginer. L’abbé était lui aussi enfin libre, il lui proposa de poursuivre le chemin avec elle. Il marchait vers le blanc immense et infini des espaces-temps lunaires. Elle cherchait son maître, mais il semblait que ce dernier avait dû rester derrière. Pourtant, elle savait que dans bien des années, il serait là lui aussi et que, comme avant, il y aurait encore cette grande table remplie de grands enfants qu’elle aimait tant. C’était la première fois qu’elle entreprenait un voyage en solitaire et la présence de l’abbé l’avait rassuré. Soudain, ils croisèrent un groupe de réfugiés, c’étaient des chrétiens qui dans la plénitude de l’espoir avaient entrepris eux aussi le grand voyage. Ils fuyaient les ténèbres. La lumière devint de plus en plus grandiose, d’une pureté sans faille. Les voix des grands enfants se faisaient de plus en plus lointaines et elle s’inquiéta une dernière fois pour eux. L’abbé lui fit signe, au royaume des justes elle entra.

Contes et légendes automatiques

J’écris sur le papier de Damas, des vers, dans l’alcool.

Contes et légendes automatiques.

Sur la route du Nord, on trouve toujours des âmes perdues. Les soirs sans lune, je m’évade dans le creux des vallées. Je redeviens marchand solitaire et les astres s’alignent alors, corsaires. Je franchis la passe de nuit avec ma solitude comme une vieille habitude.

Ce monde n’était pas le mien. Je suis d’ici et pourtant d’ailleurs. Je me perds en certitudes qui se faneront aux crépuscules des rivières canalisées.

Je n’étais qu’un étranger dans mes propres terres. Les habitants ne pouvaient comprendre les chemins que j’avais parcourus, pendant que lentement ils labouraient la terre de leur ennui. Comment pourrais-je libérer les âmes perdues du cimetière des larves chaudes de la chute d’un empire?

Mon âme avait dévoré la plus pure des particules élémentaires. Je cherchais l’église, au moment où les étoiles s’effacent du sol. Quand tous mes possibles se seront évanouis dans des espérances vaines, je descendrai au puits du lac des abîmes en quête d’absolu. Mon âme sera en lambeau et le sang qui coulera sur mon front servira d’encre pour les noirs parchemins. Je commettrai alors le pire des péchés : démasquer l’invisible.

Je sentais le froid du vent des éternités sur mes épaules. L’absence de chaleur était horrible. L’angoisse, la peur de briser les os de ma vie déjà égratignée, celle qui vous prend avant de commettre la tristesse, cette angoisse précise, quand l’épiphanie se révèle. À la vue des esprits des chasseurs Algonquins, je compris qu’il était temps de fuir, car ils soufflaient le bruit des loups. Ils dansaient devant moi comme des lucioles attirées par l’odeur des sacrifices commis dans l’aube démystifiée.

Je quittai la vallée, un jour je serai peut-être ici encore chez moi. Le soleil engouffra l’ambiance, et la vallée s’estompa.