Isabelle Caron

Je + Je (elle) + Je (lui) + Je (∞)

Dernièrement, dans une assemblée politique de quartier, j’entendais un homme d’âge honorable s’insurger sur la désuétude des biens de consommation produits :  «S’ils sont capables de mettre des satellites en orbites dans l’espace, dit-il, et qu’ils restent en bon état pendant plus de vingt ans, ils ne viendront pas me faire croire qu’ils ne sont pas capables de faire des «chars» qui dureraient un peu plus longtemps avant de les envoyer à la cour à «scrap»!» …En effet, la logique du marché semble aller à l’encontre de la logique du commun des mortels. Je ne ferai malheureusement (ou heureusement?) pas de leçon d’économie, car j’en ai ni l’aptitude, ni la prétention. Mais un point qui me heurte à la réminiscence de ce judicieux commentaire est l’emploi du 3e pronom personnel du pluriel, ce «ils» accusatif. Ceux que cet homme pointait, ce « ils », ce regroupement lointain et dépersonnalisé, qui semble avoir bien du pouvoir et contrôler bien des lois marchandes (qui, doit-on vraiment le spécifier? ont des impacts sur bien des vies). Qui sont-ils? Serait-ce possible ultimement d’envisager de remplacer ce ils par un vous, tel une discussion plus directe, plus humaniser et qui ne tombe pas dans la paranoïa accusative? Ou encore serait-ce mieux d’y voir un nous, tous ensemble, d’y voir un projet commun où nous avons le contrôle de nos vies ? Et si je pousse la réflexion à son apogée (et inspirée par un certain sociologue, Touraine), devrait-on commencer par nommer ce nous par un «Je»? Le sujet en pleine possession de ses moyens, de ses connaissances et dans la reconnaissance des limites de sa connaissance. Et surtout, surtout, le sujet, dans la reconnaissance à l’égard de ceux qui l’environnent, l’altérité qui lui ressemble mais qui n’est pas sont égale ni sont prochain, il est différent dans toute sa légitimité et de cette différence naît le plaisir de se côtoyer avec toutes les spécificités qui nous font dire que « Je » est nul autre.

Et le je + je (elle) + je (lui) + je (∞) = un nous en santé.

La brèche

Illustration et poème publiés par Isabelle Caron et Daryl Hubert dans le recueil Mon village: un personnage, une maison, un souvenir, une histoire. Ce projet a été réalisé dans le cadre du 30e anniversaire de la bibliothèque Gilles Vigneault et le 15e anniversaire du Journal communautaire Le Portageur de Natashquan.

Droit de s’évader dans l’âme d’un village
Où même les vagues nous appellent à coexister
À rendre visible nos mémoires, nos galets
À rendre humaine notre folie, nos voyages…

Ici, nous avons rencontré
D’un coeur à l’autre, des femmes et des hommes
Partageant l’expression d’une danse authentique, folklorique et engagée
Qui de partout, et pour ensemble, nous ont fait rêver.

Rêver d’unité, rêver de pays
Rêver d’histoire et d’infini
Rêver de vous… revoir bientôt
Rêver à cette brèche qui s’ouvre.. sur des possibles tangibles.


Isabelle Caron, et Daryl Hubert. 2011. « La brèche ». In Mon village: un personnage, une maison, un souvenir, une histoire, p. 15-16. Le Journal Le Portageur. Natashquan.

ISBN : 978-2-9812725-0-8
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2011
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2011

Le Cortège rêvé

Une fanfare, une parade, entraperçue ou hallucinée dans le jardin d’une fillette il y a plus de vingt ans reprend vie dans un atelier d’artiste. La procession surréelle défile ensuite dans les rues du quartier, laissant derrière elle une traînée de restes diurnes et de regards incrédules. De la vision de ce cortège rêvé, de ces corps poussiéreux exhumés du souvenir, émerge une question : « Corps, t’ai-je rêvé ? »

Par temps gris, une performance. Une manifestation artistique spontanée & éphémère. Un rêve dadaïste poussiéreux qui marie la tragédie et la comédie, le carnaval et la marche funèbre. Un rituel onirique, ayant pris vie grâce à la collaboration d’artistes estimés indispensables au parachèvement de ce projet collectif d’inspiration surréaliste. Une fanfare qui a eu pour scène et décors un parcours de 3 Km dans le quartier Mile-End le 17 mai 2009. Ce cortège amorça son périple dans l’atelier d’Isabelle Caron…

Scénario : Jean-Philippe Boudreau | Idée originale, production & direction artistique : Isabelle Caron | Réalisation & montage vidéo : Anh Minh Truong | Composition sonore : Samuel Laflamme | Crédits photos : Vincent Biron