L’œuvre ouverte

…Examinons la poétique théâtrale de Brecht: l’action dramatique y est conçue comme une exposition problématique de certains états de tension, pour lesquels le dramaturge — suivant en cela la technique du jeu « épique » qui se contente de présenter au spectateur, avec détachement, et comme de l’extérieur, les faits à observer — ne propose pas de solutions. C’est au spectateur de tirer les conclusions critiques de ce qu’il a vu. Les drames de Brecht s’achèvent effectivement de façon ambiguë (Galilée en est un remarquable exemple). Seulement, il ne s’agit plus de l’ambiguïté morbide d’un infini entrevu ou d’un mystère vécu dans l’angoisse, mais de celle, très concrète, de l’existence sociale en tant qu’affrontement de problèmes auxquels il convient de trouver une solution. Dès lors, l’œuvre est « ouverte » au sens où l’est un débat : on attend, on souhaite une solution mais elle doit naître d’une prise de conscience du public. L’ « ouverture » devient instrument de pédagogie révolutionnaire.1
  1. ECO, Umberto. L’œuvre ouverte. Editions du Seuil. 1962. 316 pages. (p.24-25) ↩︎