Écriture

Словесность / Hommage à Godin

Словесность1 / Hommage à Godin


« par les clair-de-nœuds
par ceux qui ont des meubles en cadeaux
par les baveux du million mal acquis
[j’ai mal à mon pays] »

– GODIN 1970

Monsieur le premier ministre,

Savez-vous combien de temps il faudra au salarié minimum pour gagner 1 million de dollars? Toute sa vie.  Si j’enlève les dépenses, les taxes et les impôts pour payer votre salaire, il n’y arrivera jamais…

Quand j’entends votre ministre pleuré son million perdu et vous de le défendre, j’ai mal à mon pays.

Quand j’entends les libéraux de Trudeau se porter à la défense de votre ministre, j’ai mal à mon pays.

Ce parti des conditions gagnantes, du déficit absurde zéro jamais atteint en 25 ans et des tunnels à 9 10 milliards, j’ai mal à mon pays.

S’ajoute l’insulte des négociations avec notre personnel de la santé, débordé, écœuré et votre présidente du Conseil du trésor et son cœur de pierre, j’ai mal â mon pays.

Dehors, les gestionnaires de succursale provinciale et les petits comptables, qui déplacent des colonnes de chiffre sans aucune poésie, sans aucune envergure.

Les patriotes sont-ils morts pour ça?

J’ai mal à mon pays

Délire…

Citoyen Harfang

Cannibale économique

Cœur d’enfant

Déficit qui pique

Idée licorne

Achat sur marge

Chanson à la lune

Musique qui ne rapporte pas

Opposition Pouvoir

Bankster artiste

Impression monétaire

Aveugle audité

Juge sourd

Et cela pour?

Destruction opération militaire

Frappe chirurgicale

J’ai mal à mon pays

DEHORS LEGAULT !!!


Toc Ivanovitch

  1. Selon Stépan Chévyriov (1806-1864), si le mot actuel Literatura (« Литература ») désigne la « littérature », il s’agit d’un emprunt du xviiieSlovesnost (« Словесность ») était l’ancien mot, qui signifie « art du mot ». ↩︎

Labyrinthe X (Le sens des mots)

Lorsque tu ouvres les yeux après un autre moment d’absence, tu es complètement perdu au sein d’une forêt. Une nouvelle fois, la matrice des murs du Labyrinthe s’amuse à t’éloigner de ton objectif. Devant toi, cachée derrière de longues et de grandes lanières d’herbes, se trouve une porte de bois. Le palais est désert. La végétation abondante. Il y a des lustres que personne n’est venu ici. Le temps présent n’est plus celui d’autrefois. Tu ne comprends plus si c’est l’Avaleuse ou toi-même qui s’interpose. La gare n’est plus. Le Labyrinthe habille. Il n’y a plus de clé, plus d’invitation et aucun souffle de vent ne vient atténuer la chaleur des lieux. Dans les dimensions des possibles du Labyrinthe, il est un lieu où le Labyrinthe lui-même n’existe plus ; une sorte d’abris, un temps où les choses s’immobilisent. Dans cet endroit, tu crois pouvoir retrouver le bal et enfin tenir cette rencontre capitale qui te permettra de sortir du Labyrinthe. 

Les longues vignes qui couvrent la porte produisent du vin pour les régions du Haut au sud. Le vin des abricots se carbonise au son de la musique. La carbonisation, comme seule solution au déclin des espérances ; douce mélancolie qui enlace de son châle de noirceur chaque seconde du temps qui passe. Les pulsions des cœurs qui s’effritent, chaque désir qui s’essouffle, chaque histoire qui s’efface devant toi t’emplissent d’une tristesse que te transmet directement la ligne du temps et des espoirs perdus.

Sur la porte, une inscription demande une réponse simple. Une seule phrase : où allez-vous ? J’allais au bal, mais est-il terminé ? La porte ne semble pas avoir la capacité d’agir à la suite d’une question. Elle s’interroge puis constate qu’il s’agit bien d’une réponse même si cette réponse porte en elle-même le doute. Lentement, les pentures grincent et la porte s’ouvre sur un monde différent. Le bal n’est plus, le château non plus, mais de l’autre côté, un majordome t’accueille, un verre sertit d’or à la main. Le majordome est grand. Il ne porte pas de chandail et ses longs cheveux blancs signent son dos. Il porte un pantalon blanc taché de poussière. Tu t’attendais à voir la salle de bal, mais il n’y a pas de murs. Tu traverses un long boisé bordé de saules pleureurs. Tout au long de ce parcours, le chemin devient de plus en plus étroit.

Le majordome s’arrête. Devant toi, un cocher endormi monte la garde sur une vieille diligence. Le cocher te demande si tu as une invitation. Tu lui donnes le triangle qui vient de se matérialiser dans ta main, alors que tu le croyais perdu. Le cocher semblait s’attendre à devoir te refuser le voyage, il parait contrarié. Arrive soudain d’un pas élancé la marquise du Haut au sud. Elle est accompagnée de sa cour de serviteurs. Elle a l’air lasse et les explications du cocher sur ta présence l’exaspèrent au plus haut point. Elle devait faire le voyage seule dans la diligence avec sa demoiselle d’honneur. Celle-ci devra même la suivre à pied avec les autres serviteurs. Derrière toi, tu constates que les saules pleureurs déposent de vraies larmes de pluie avant de disparaître sous des torrents d’eau. Tu reconnais le souffle de l’eau qui frappe. Il s’agit d’un torrent de malheur sans fin. Le cocher frappe d’un coup sec les chevaux. Il est temps de se rendre là où dorénavant le bal se cache. Existe-t-il vraiment une porte de sortie ou s’agit-il d’un autre piège ? Que restera-t-il des mots quand ceux-ci disparaîtront dans le ventre sans fin de l’Avaleuse ? Que signifie vraiment le sens des mots si les lettres peuvent se désagréger et être dévorées sans pitié ?

(Merci à mon père pour la correction)

La poudre de comète

La poudre de comète
Comme une glace aux fraises
Se fonderait-elle sur mon tombeau chaleur?
Toujours est-il que les braises
Des volcans s’éclatent sur un rythme latin
Les lutins qui dansent sur un lit baldaquin
Abusent d’un autre calibre
Une balle heurte les jeux de cartes
Flottent les chats sur un océan de thon
Reprendras-tu un peu de poussière béton?
Silence des melons qui passent dans le salon
Le scorpion se pose des questions
Roi de pique et deux de trèfle
Sont-ils des sauterelles ?
Ou bien des lions qui chantent?
Ignores-tu vraiment où tu es?
Fais-tu semblant de disparaitre
Nuage de brouillard qui frappe le corridor
Remboursement du vol des morts
Vitesse ultra lente
Pente sans gravité
Entendras-tu enfin raisonner?
Les tambours des âmes

Tic Tac

Merde, il ne reste vraiment pas de temps. Pas beaucoup en fait. 1 an déjà. On accumule beaucoup de retard. La procrastination dans son toute sa splendeur. J’espère que seul celui qui aura dépassé le temps pourra choisir le prochain thème. Non sérieux ! On devait accumuler douze nouvelles publications. On frôle le zéro de production. C’est la faute du temps. Ça vous contamine l’esprit. Le temps rendrait vieux et lent. C’est peut-être là où réside finalement le problème. On avait un film en vieille bobine super VHS en tête, mais bon qui a le temps de couper des bobines de pellicules au ciseau par les temps qui courent. Donc, oui avec au moins douze mois de retard (mais pourquoi c’est toujours moi le premier qui doit commencer ?) voici finalement sans aucune demande d’avance de fonds et avec la plus grande sincérité possible, une aventure rocambolesque sur le passage du temps et le jour où j’ai eu la certitude que chaque espace-temps pouvait se côtoyer, mais surtout que l’on peut parfois, si on est chanceux (car le temps n’a pas une minute à perdre avec nos niaiseries humaines), on peut oui trouver la brèche et revenir dans une autre zone temporelle qui, comme nous l’explique parfois les scientifiques fous d’un film de science-fiction, se côtoient comme plusieurs univers possibles de nous-mêmes, mais de l’ensemble des espaces qui nous entourent. Par contre, seul le voyageur entre les deux zones parallèles constatera qu’il a changé de zone. Comment ai-je eu la certitude de ce fait ? Je vois mes enfants que pique votre curiosité. J’ai eu cette certitude le jour où je suis revenu dans mon ancienne zone temporelle. Personne n’a rien vu et j’écris donc ce texte de retour dans l’espace-temps que j’aurais dû occuper depuis quelques mois déjà. Pour bien vous expliquer sans multiplier inutilement les explications, je vais baptiser ma véritable zone temporelle comme étant la zone A et l’ancienne, en fait celle que j’habitais depuis maintenant quelques mois, de zone B. Grand bien me fasse, je n’ai pas encore contaminé d’autre zone temporelle. En fait, je ne sais pas. Je ne sais pas encore si la zone A est la véritable zone que j’occupais avant ? Il va falloir que j’explore un peu. J’espère que ce changement temporel n’affectera pas trop la suite des choses. Dans la zone B, il m’était impossible de décrire la situation. Il me fallait une comparaison. Hier, j’ai enfin compris pourquoi les choses n’étaient pas en place depuis quelques mois. Je ne sais pas si des gens m’ont suivi dans la brèche temporelle que j’ai ouverte. Je pense que oui, car je ne les connaissais pas dans la zone temporelle A. Mais ils m’écrivent maintenant ? En fait, il m’écrivait dans le temps où j’étais à collectionner les désespoirs dans la zone B. Techniquement, s’ils existent dans la zone A et me connaissent encore ils ne peuvent qu’avoir franchi la ligne du temps avec moi. Il faut comprendre que nous n’avons pas de double lorsque l’on change de zone. On prend automatiquement la place qui nous revient, mais chaque zone poursuit sa propre logique. Je vous répète que seul le voyageur ou peut-être, je ne sais pas encore définitivement, ceux qui le suivent vont s’apercevoir du changement. Cela est très dangereux. Heureusement, il n’existe pas de machine. Seule une fracture temporelle que le hasard ouvre ici et là permet de se déplacer d’une zone à l’autre. La question demeure : suis-je vraiment de retour ? Seul le temps pourra me le dire.

La Palissade (V partie)

– Non, j’ai rien vu.
– Quoi ?
– Donne les lunettes !
– Non !
– Donne les lunettes !
– Y a rien je te dis.
– Mais vas-tu me les donner ces lunettes ?

Un bruit métallique frappe au creux de la nuit. Puis, le mouvement des bottes militaires dans l’eau mélangée au gravier de la route de montagne.

– Voilà ! Je t’avais bien dit, passe-moi les lunettes.
– OK

Il place les lunettes sur ses yeux, et au loin, après la mise au point du foyer, un homme apparait.

– Quand je te dis d’obéir.

Il lui reprend les lunettes.

– Fais pas de folies ! C’est pas des militaires, c’est des amoureux.

Dans la zone de clarté qu’offre maintenant la lune, la Mustang se dévoile. Le Chauffeur embarque. La pause toilette est terminée.

– Passe-moi ton fusil de chasse.
– Non. Je te dis qu’ils sont avec nous.

Il s’empare du fusil et tire. Chérie prend 3 balles en plein dans le cœur…

– Eh câlisse ! lance le chauffeur avant de perdre la maîtrise du véhicule.

Les deux couples sont projetés dans toutes les directions alors que la voiture multiplie les tours sur elle-même.

Les deux gardes fuient la scène. Au loin se déploie une palissade.

On construit une tour sans toi!

On construit une tour sans toi

Tu vois nous on est des gens qui aiment pas la poésie.

Oui pour les formulaires de subventions, mais pas vraiment

Tu me semble pas mal rêveur

On ne veut pas te juger

Mais on va le faire quand même

Sans vraiment avoir le goût de te rencontrer

Cinq ans que tu voulais embarquer dans le train

Tu vois on construit une tour sans toi

On ne voulait pas vraiment que tu sois là

Mais on ne pensait pas que tu serais encore là

Alors là on est un peu pogné avec toi

On va te flusher sans trop faire de bruit

Tu n’es pas malade ?

Voyons-elle est ou ta chaise roulante

Nous on s’occupe de personnes visiblement malades

Tu as l’air capable de défendre sans nous

On n’a pas vraiment d’espace pour tes mots, tes idées

Ne pas blâmer un enfant qui fait des dessins

Je ne sais pas où tu vas chercher ça

Tu manques d’autorité? Tu es un enfant ?
Faudrait vieillir un peu tu sais!

Seul dans ton coin comme un grand

Tu vas briser notre tranquillité de pensée

Avec tes idées de fou

Arrête de faire du bruit

On construit une tour sans toi

Des pas, encore des pas

Bien invisible autrement, la neige révèle l’humain passé,

Créant un étrange rappel de la densité de la ville.

Chaque pas est gravé dans la neige et chacun y rajoute le sien,

Définissant le paysage urbain par son humanité.

Trace par trace, l’humain signale sa présence à l’autre.

Inconscience, ou désir de s’approprier un lieu encore vide,

Tous participent au piétinement de l’étendu blanche,

Et l’empreinte humaine s’étend impitoyablement.

Serait-ce l’incarnation du besoin de posséder son bout de terrain ?

Grain par grain, le vent tente d’assouplir et de libérer ce paysage,

Mais la cicatrice humaine est profonde,

Et le travail d’une journée se détruit en quelques instants.

Où aller pour trouver un endroit vierge d’humanité ?

Doit-on tout posséder de ce canevas singulier ?

Chicago

( Lundi 6 avril 2015 avant l’aube)

Dans le miroir du 40 oz de Gin, les couleurs de la ville s’émoustillent. J’ai soif d’« American dream ». C’est la liberté que je cherche au corps de la mégapole. L’ombre de Batman survole la ville. Les mirages des ombres m’ensorcellent. Je traverse la ville en caravane.

Elle roule de nuit, elle roule de jour. Dans les soleils comme dans les pleines lunes. Nous écoutons la musique des gens de la ville forteresse. Le long des autoroutes, des espoirs et des folies. La vie est cette route. Que m’offre la section fraction d’un espace-temps, la clarté passagère dans les corridors des astres lumineux?

Et si belle est la danse dans les musiques électromagnétiques de ce début de millénaire aux cent périples. Un pas de danse avec moi, quelle sensation effroyablement agréable. Convoitise et envie transpercent mon cerveau. Manifestement, dans mon sang coule plus de tonic que de globules rouges. Dans les herbes s’étale le penseur des vignobles écarlates.

Photographier en touriste pour projeter une image mondiale sur les toiles interconnectées. Traverser les quartiers d’un pas observateur d’espion en mission de sauvegarde. Ou bien jouer les airs du parfait caméléon qui sait s’adapter au monde qui l’entoure.

Mille visages pour secourir des désastres et des peines capitales. Pécher par excès de luxure. Affamer les cœurs dans les virages, mirages peu sages de complexes idées. Et je compris que le rêve s’effritait, que les ombres le grignotaient irrémédiablement. Pas à pas, elles s’approchaient. Il nous restait notre âme à défendre.

La caravane devait repartir à l’aube, on l’attendait plus haut au nord pour que l’on s’informe de ce qui arrive au sud. Au matin clair, j’aurais adoré pouvoir mettre le générique ici maintenant, mais la saga se poursuivra quelque temps. Assez longtemps, je l’espère.


(Pour Mireille aka Mimi, Francis aka Franck, Jérôme aka J, Claudia aka Clo, Isabelle aka Isa, Daryl aka Trotsky, Sebastien aka Le Tombeur, Gabriel aka Big G, Audrey aka Elle)

Le Train (Labyrinthe Chapitre IX)

Tu regardes les paysages. Tu regardes les passages à niveau. Tu te perds dans les épinettes enneigées. Les flottements de la zone lente et poussiéreuse que tu traverses s’éternisent. Tu comptes les espaces secondes qui s’écoulent. Tu te demandes comment ce train peut faire pour ne jamais arriver en gare. Il roule avec toi à son bord. Il n’y a pas plus d’autres passagers. Il n’y a plus personne qui assure le service de bar. Aucune hôtesse à l’horizon. Il n’y a plus de sécurité entre les wagons. Tu ne sais plus quand tu as pris ce train. Tu marches vers l’avant, tu traverses un long wagon restaurant. Sur les murs, tu vois la tête d’un chef. Tu le connais. Tu l’as vu la dernière fois dans son grand restaurant sur Magnificient Mile à Chicago. Tu aurais bien mangé quelques morceaux, mais les assiettes sont vides. Ton festin serait-il terminé ? Puis, tu croises le contrôleur. Tu te demandes alors si tu as bien acheté un billet. Tu ne t’en souviens plus. Tu fouilles dans la poche droite de ton long manteau de laine usé. Tu sors finalement un billet en forme de triangle. Une invitation pour le bal. Tu ignores ce qu’il fait là. Une odeur de fumée te monte soudainement au nez.

Le train à vapeur ralentit à l’approche d’un tunnel. La dernière épinette disparaît remplacée par un grand couloir de granite. Les pierres sont ornées de grandes fresques multicolores. Tu reconnais l’œuvre, mais tu ne t’en souviens plus clairement. Portant, tu connais l’artiste. Dans ta vie, avant, il y avait des galeries d’art, des fêtes et des anniversaires où tu ne connaissais personne. Le contrôleur marque son impatience en hochant légèrement la tête. Coincé, plutôt collé, tu aperçois enfin le billet de train. Il est chaud. Il vient de se matérialiser devant toi. Le destin imprègne d’encre noire sa fatalité. Le contrôleur te laisse finalement passer et disparaît vers un autre wagon. Tu te demandes pourquoi puisque tu es le seul passager. Le train accélère. Il s’enfonce dans le tunnel puis chaque wagon ressort lentement du gouffre. De l’autre côté s’allongent les grands bâtiments de la Capitale du Labyrinthe. Le train approche de la gare du Sud. Cette gare aux mille fresques, tu l’as arpentée bien souvent. Tu attendais un départ. Ou peut-être une arrivée. Tu ne sais plus trop. Tu découvres, surpris, une foule immense qui descend du train. Tu te souviens pourtant de l’avoir vu vide. Tu constates que tes moments d’absences transportent parfois tes souvenirs ou tes pensées beaucoup plus loin que tu ne peux l’imaginer. Cette fois, tu as bien l’intention de ne plus laisser les murs t’étouffer. Tu sais que chaque seconde compte. Et si chaque pas te rapproche de la salle de bal, tu es sûr qu’une fois dans cette salle, quand la musique s’arrêtera de nouveau, tu sauras très bien ce que tu auras à faire cette fois-ci !

(Merci à mon père pour la correction et les idées)

Égarement

Tes pensées s’échappent en illusion. Tu fixes le Bordeaux rouge classique qui repose au fond de la coupe. Il pleut, les regards sont froids, le vent glacial. Tes yeux se vident et les invités se prolongent en dialogues inaudibles.

Tu n’es déjà plus là. Les murs miroirs te renvoient l’absence. Tu la revois, mais il n’y a plus que le désert des silences qui mettront bientôt fin aux questions d’usage. Plus rien à dire. Tu n’as plus de mots ni d’idée nouvelle que l’écoulement des secondes en vase clos. Un avortement parfait, froid et chirurgical. Tu as pris le bistouri et coupé d’un seul geste toute émotion, toute supplication, toute tentative.

Dans cette pièce carnavalesque, tu es soudain celui qui a réussi la fuite parfaite. Tu regardes derrière, il n’y a plus personne qui te pourchasse et tu ne pourchasses plus personne. Les pas de danse sont futiles. Les musiques monotones. Le vin goutte l’eau. La nourriture est fade et grise.

La bande film est en noir et blanc et la pluie s’accentue. Tu sors dehors, tu regardes à gauche puis à droite. Tu n’es plus certain d’exister. Cette dimension de l’espace, sans autre regard pour te percevoir sur la pellicule, tu l’as baptisée depuis longtemps. Tu l’appelles égarement. Tu t’éloignes seul alors que les arbres, les statuts et le vieil étang masquent ta disparition.